C’est le livre dont tout le monde parle. Les révélations faites par François Hollande dans Un Président ne devrait pas dire ça…, contre-enquête sur le quinquennat, l’ont mis en grande difficulté. Les auteurs, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, évoquent pour Closer la face cachée du chef d’Etat.
Closer : Avez-vous eu des nouvelles de François Hollande depuis la parution ?
Gérard Davet : Deux jours avant la sortie, il nous a appelés. Il connaissait la date de parution et s’inquiétait de savoir ce qu’il y avait dans le livre après avoir lu les premiers extraits sur le Net. Mais depuis, plus rien. On sait juste qu’il règne une ambiance de crise à l’Elysée.
Les réactions sont, en effet, ultraviolentes. Pensez-vous qu’il regrette de vous avoir parlé ?
Fabrice Lhomme : Je crois qu’il regrette que les médias aient surtout retenu des petites phrases, alors qu’il s’est expliqué sur toute son action, et que notre livre comporte bien plus que ses seuls propos.
Il vous a accordé 61 entretiens et une centaine d’heures d’interview. Vous comprenez qu’une telle disponibilité choque ?
F. L . : C’est pour moi la critique la moins pertinente. Il veut laisser un legs pour l’Histoire. Un Président n’est pas intouchable. Il doit rendre des comptes, expliquer avec transparence ce qu’il fait ou pas.
G. D. : Il faut lui reconnaître un certain courage. Il a respecté le cadre que nous avions fixé : pas de conseiller, pas de filtre, pas de relecture !
Vous l’avez vu à l’Elysée, mais parfois aussi invité à dîner chez vous. Comment reçoit-on un Président ? On range à fond et on commande un buffet Fauchon ?
G. D. : Non. Je me mettais en cuisine, car il apprécie les plats simples et roboratifs, comme le bœuf bourguignon ou les pommes de terre. Mais c’étaient des séances de travail, organisées via son secrétariat particulier. Aucune complicité affective ne s’est créée. Nos femmes et enfants n’étaient d’ailleurs pas là…
F. L . : Certains imaginent, à tort, que ces dîners induisent une compromission. Nous voulions juste le sortir de son confort élyséen, et avoir du temps avec lui, sans interruption. On lui posait les questions les plus insolentes, pour le piquer. Et, comme il aime la dialectique, ça l’émoustillait. Après, il rentrait se coucher, sachant qu’il est assez seul à l’Elysée.
Pendant vos 5 ans d’entretiens, il vous a dit ne se confier qu’à vous, ce qui était un mensonge. Comment expliquez-vous que quelqu’un qui communique autant le fasse aussi mal ?
G. D. : Il aurait adoré être journaliste. Alors, dès qu’il voit un micro qui traîne, il y répond. Et cette communication dispersée contribue à désacraliser la parole présidentielle.
F. L . : En revanche, ce n’est pas le seul à avoir reçu des journalistes. Mitterrand, Chirac l’ont fait. Sarkozy aussi, mais il parlait en « off » !
Vous racontez justement la violence de ses relations avec Nicolas Sarkozy, qu’il hait… Il va jusqu’à l’imiter !
G. D. : Un jour, il a imaginé devant nous ce que Sarkozy dirait pour reconquérir les Français. C’était incroyable, il était dans sa peau, adoptant son ton, bougeant les épaules. Hollande éprouve du mépris pour Sarkozy, qu’il trouve vulgaire. Son côté bling-bling, son couple avec une top model, ses copinages avec les patrons, représentent tout ce qu’il déteste. Hollande n’est pas un homme d’argent : il n’aime que la politique.
La détestation est réciproque. En novembre 2013, Nicolas Sarkozy vous suggérait d’ailleurs d’enquêter sur Julie Gayet !
G. D. : Oui. Il nous avait dit : « Vous devriez vous intéresser à ses sorties en scooter pour aller voir sa bonne amie. » On avait de toute façon eu vent de ces rumeurs, mais ça ne nous intéressait pas.
En janvier 2014, Closer révèle leur liaison et cela devient pourtant, selon vos mots, une « affaire d’Etat ».
G. D. : Bien sûr. Closer a fait son travail, même si certaines de vos méthodes ne sont pas les nôtres. Je respecte votre journal, qu’il m’arrive de lire en vacances, comme beaucoup de Français. C’est un média people, et la vie du chef de l’Etat fait forcément partie de ses centres d’intérêt.
F. L . : Moi, je suis beaucoup moins amateur de presse people. Mais cette histoire m’a fait réfléchir. Si on m’avait dit : « J’ai des photos de Hollande allant voir une maîtresse », j’aurais répondu : « Ça ne m’intéresse pas. » Mais, quand d’autres l’ont fait, on a été obligés de raconter l’affaire, devenue mondiale. La cohérence n’aurait-elle pas commandé de s’intéresser dès le début à cette info, ou de ne pas en parler du tout ? Cela m’a mis face à mes contradictions, ce qui est salutaire.
Depuis Mazarine ou DSK, on sait que les affaires privées peuvent avoir un intérêt public. Pourquoi cette réticence à en parler ?
F. L . : D’une manière générale, avec Gérard, on n’aime pas les affaires de mœurs. Mais certaines ont des implications importantes. Ainsi, c’est sans doute une erreur que les journalistes français – nous inclus – ne se soient pas intéressés aux frasques de DSK avant l’affaire du Sofitel.
G. D. : De même, le fait que Julie Gayet bénéficie parfois d’une protection de l’Etat ou puisse loger à l’Elysée, n’est-ce pas digne d’être publié ? Et, lorsque le Président va rue du Cirque de manière subreptice, que ses gardes du corps sont mobilisés devant un appartement qui n’est pas forcément bien sécurisé, cela peut poser question.
Dans votre livre, François Hollande se gargarise du fait que Julie Gayet ne serait pas protégée par l’Etat, ce qui est faux…
F. L . : La situation est de toute façon ambiguë ! Officiellement, ce n’est pas sa compagne, mais elle l’est quand même, semble-t-il. On est dans le flou, à l’image de la frontière privé/public : certains aspects de la vie privée d’un Président peuvent, désormais, relever de l’intérêt général.
Il vous a d’ailleurs expliqué que, de son côté, elle aimerait officialiser…
G. D. : Oui. En 2015, il nous a dit qu’elle le souhaitait, mais que « lui Président », il ne le ferait jamais ! Il estime qu’installer Valérie Trierweiler à l’Elysée a été une erreur. Pour ne pas s’exposer, il veut être seul au pouvoir. Mais il a pour Julie Gayet, cette « belle femme », beaucoup de respect. Il admire sa discrétion et explique qu’elle a souffert professionnellement de cette relation.
F. L . : Il sait que c’est une femme frustrée. Elle a manifestement un besoin de reconnaissance et aimerait sortir de cette vie semi-clandestine.
Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire général de l’Elysée, vous l’a dit : les deux premières années du quinquennat ont été parasitées par les affaires personnelles de François Hollande. Avez-vous eu l’impression que cela entamait son action ?
G. D. : C’est très compliqué de le savoir, car il cloisonne tout. Il nous a, en tout cas, avoué que l’affaire du tweet de La Rochelle [lorsque Valérie Trierweiler avait soutenu le concurrent socialiste de Ségolène Royal aux législatives, NDLR] a terni son image.
Ses problèmes personnels ne sont-ils pas exacerbés par l’entre-deux dans lequel il maintient ses compagnes ?
G. D. : C’est un homme paradoxal. D’un côté, il prend des décisions tranchantes rapidement : c’est un esprit acéré dans un corps rond. Mais, comme il déteste le conflit, il trouve mille façons de l’éviter. Et, apparemment, ses relations avec ses femmes obéissent à cette logique.
Closer lui a donc rendu service en le poussant à clarifier les choses avec Valérie Trierweiler !
F. L . : (Rires.) C’est faire de la psychanalyse de comptoir mais, après tout, qui sait ?
Avez-vous été surpris par la riposte de Valérie Trierweiler sur les sans-dents ?
G. D. : Pas tant que ça. On se doutait qu’elle conservait des documents, lettres et SMS qu’il avait pu lui envoyer. Elle reste une femme bafouée, donc en colère.
Elle sera toujours le caillou dans la chaussure de François Hollande ?
G. D. : Oui ! Elle est à l’opposé de Ségolène Royal, qui pourrait lui en vouloir, mais qui est présente dès qu’il a un problème. Il peut compter sur elle. Il admire, d’ailleurs, et sa loyauté et sa résilience.
F. L . : Si, à la suite de ce livre, il devait être lâché par tous ses soutiens et qu’il n’en restait qu’une, ce serait elle.
Leurs rapports ne sont néanmoins pas simples. « Le politique du couple, c’était moi », vous a-t-il dit. Elle a quand même été candidate à la présidentielle !
F. L . : Ils éprouvent une estime et une fascination réciproques. Mais ils sont tellement politiques que leurs relations sentimentales le sont aussi. Il pense sans doute toujours qu’en 2007, il aurait dû être investi par le PS à sa place…
Vous décrivez quelqu’un de très seul dans son palais…
G. D. : Il s’est progressivement isolé avec les lâchages, les difficultés… Il s’est d’ailleurs transformé : il a perdu la légèreté.
Il vous a dit « aimer les gens ». C’est pour cela qu’il passe son temps à se faire trahir, par Emmanuel Macron, par exemple ?
F. L . : Cet homme est une brillante mécanique intellectuelle. Il connaît l’histoire politique et la déloyauté qui lui est consubstantielle… Mais il collectionne les trahisons. Son aveuglement concernant Emmanuel Macron est particulièrement troublant. Parfois, quand il s’entiche d’une personne, il peut perdre toute lucidité.
Cette interview a été publiée dans le numéro n° 593 de Closer.
5 choses que l’on ignorait sur François Hollande
1. S’il aime les journalistes, c’est qu’il en a été un. Il signait, dans les années 1980, des chroniques éco du nom de « François Holland ».
2. Il dit avoir un complexe de supériorité très, très fort. « Il a toujours une explication à ses errements, analysent les auteurs. Que ce soit la faute des autres, des médias, de sa compagne… »
3. Il n’est pas rancunier. La preuve : l’an dernier, il continuait de payer le loyer de Valérie Trierweiler !
4. Il kiffe la Fête des voisins. Ses voisins du 15e arrondissement avaient eu la surprise d’y voir débarquer le nouveau Président, en juin 2012.
5. À l’entendre, il ne se teint pas les cheveux. « Avec toute la pluie que j’ai reçue, ma teinture aurait dû fondre. »