Victime de discrimination, une maman d’enfants handicapés a dû saisir la justice pour faire valoir ses droits en tant que demandeuse d’emploi.
« Avec des jumeaux autistes, Madame, votre place est à la maison. » Voilà en résumé la raison avancée par un responsable de Pôle emploi pour refuser l’inscription de Meryem Duval, 29 ans, originaire de Marcq-en-Barœul dans le Nord. Afin de mettre fin à cette discrimination affichée en toute illégalité, cette ancienne chef de rang dans la restauration, maman de Yanis et Samy, 5 ans, devra batailler des mois.
« Cette injustice de Pôle emploi nous a fait sombrer dans la précarité »
« Nous étions déjà sous le coup émotionnel de l’annonce du handicap de nos jumeaux. Cette injustice de Pôle emploi nous a fait sombrer dans la précarité », se souvient Meryem. Tout dérape en septembre 2011, le jour de la rentrée à la maternelle des jumeaux, Yanis et Samy, 3 ans à l’époque. « Le soir même, la maîtresse nous a dit : « Vos enfants sont des sauvages asociaux qui ne feront rien de leur vie. » Le lendemain, ils étaient exclus. Motif : « Inaptes à être scolarisés. » L’inspecteur d’académie est intervenu et l’institutrice a reçu un avertissement. Mais, pour nous, il était impossible de les scolariser à nouveau là-bas. » Désemparé, le couple cherche des réponses. C’est lors d’un rendez-vous dans un centre médicopsychologique que le diagnostic tombe : autisme lourd. « On ne savait pas vraiment ce qu’était l’autisme. On nous a fait comprendre que, si nous voulions connaître les joies de la maternité, il valait mieux faire un troisième enfant », s’indigne Meryem. Et le couple découvre le quotidien que vivent les parents d’enfants handicapés : l’isolement, l’épuisement et le désert thérapeutique. « Jean-Luc a tout de suite été très combatif, cherchant des solutions concrètes pour nos enfants, reconnaît Meryem. Moi, j’étais sous le choc de l’annonce. Il me fallait vivre le temps des pleurs et de la colère. » Meryem pose un regard affectueux sur ses garçons qui jouent dans le salon du pavillon familial. « J’ai rencontré des problèmes de fécondité, dit-elle. Cette grossesse naturelle et inattendue, je l’ai vécue comme un petit miracle. Tout s’est bien déroulé. Après l’accouchement, j’ai eu comme un ressenti étrange face à mon petit Yanis.«
Pour survivre, la famille vend tout
A l’annonce du handicap des garçons, Meryem demande l’aménagement à temps partiel de son emploi. Mauvais timing : elle est en période d’essai, sa direction refuse. La jeune maman se retrouve à Pôle emploi : « J’avais droit à des indemnités, car j’avais travaillé des années dans la restauration. Mais, surtout, avec mon BTS de commerce, j’espérais pouvoir me reconvertir. » Espoir envolé, son dossier d’inscription traîne pendant des mois. Pendant ce temps, la famille s’enlise…« On ne pouvait pas toucher les aides sociales, puisque j’avais en théorie droit à l’allocation-chômage. Résultat, on s’est retrouvés interdit bancaire, dans l’impossibilité d’honorer notre crédit et notre loyer, avec une mesure d’expulsion et une enquête sociale : ça ne pouvait pas être pire. » Pour survivre, la famille vend tout. « On n’a gardé que l’essentiel, on n’avait même plus de canapé. Vous auriez dû voir la tête des huissiers quand ils ont débarqué chez nous ! », ironise Jean-Luc. Meryem retrouve un job temporaire par ses propres moyens, et le couple crée l’association Collectif Citoyen Handicap (collectifcitoyenhandicap.over-blog.com). Face à Pôle emploi, le couple riposte : « C’était de la discrimination. Maman d’enfants handicapés, je devais tirer un trait sur ma vie professionnelle ! » Elle saisit le défenseur des droits, qui lui donne raison. Pôle emploi doit réintégrer Meryem. Leur plainte sera directement classée sans suite. Pour le principe, les Duval et leur avocat, maître Franck Berton, ont à nouveau déposé plainte pour discrimination avec constitution de partie civile. « Nous avons des droits, les handicapés et leur famille sont des citoyens comme les autres. »