Des milliers de femmes sont concernées. La Dépakine, un médicament antiépileptique dangereux pour le fœtus, a été administrée à des milliers de femmes enceintes alors que les risques étaient connus. Marine Martin, maman de deux enfants touchés, se bat aujourd’hui au sein de son association pour faire reconnaître le préjudice.
Marine, 44 ans, est épileptique depuis l’enfance. « J’ai commencé à prendre de la Dépakine à 6 ans. Lorsque j’ai voulu fonder une famille, j’ai été très suivie pendant ma grossesse. L’unique risque noté pour la Dépakine était le spina bifida, une malformation grave de la moelle épinière, mais détectable à l’échographie. Les médecins n’ont jamais envisagé de suspendre mon traitement. » Salomé naît en 1999, Nathan en 2002. A des degrés divers, les deux enfants de Marine sont touchés par des troubles du comportement et des retards cognitifs lourds. Mais personne ne peut expliquer une telle fatalité à la maman.
« Mon traitement contre l’épilepsie avait empoisonné mes enfants »
C’est toute seule que Marine a un déclic, en visionnant un documentaire sur des enfants d’agriculteurs victimes de malformations après des expositions répétées aux pesticides : « J’ai fait le lien avec la seule substance chimique que mon organisme absorbait depuis l’enfance, le valproate de sodium, la molécule contenue dans la Dépakine. Et si elle avait été toxique pour mes bébés pendant ma grossesse ? » En quelques clics, Marine consulte la liste des médicaments dangereux sur le site de référence des agents tératogènes (lecrat.fr) : « La foudre m’est tombée sur la tête par cette belle journée ensoleillée de 2009. Il était écrit noir sur blanc que la Dépakine était un médicament à éviter enceinte. Mon traitement contre l’épilepsie avait empoisonné mes enfants, et personne ne m’avait jamais avertie des risques pourtant connus. Des centaines de milliers de femmes étaient dans mon cas. »
Les risques de malformation sont connus depuis plus de 30 ans
Les chiffres sont accablants. L’épilepsie touche 1 % de la population, qui est dans sa majorité soignée avec la Dépakine, un médicament efficace, mais dangereux pour le fœtus. La prise du médicament pendant la grossesse provoque 80 % de dysmorphie faciale sur les bébés, 30 % sont victimes d’atteintes cognitives (autisme), 11 % de malformations. En 2011, Marine Martin fonde donc l’Apesac, une association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant. Après s’être battue seule, Marine veut fédérer les familles. Et elle demande une étude, rendue publique le 24 août 2016 par le ministère des Affaires sociales et de la Santé, qui confirme que 14 322 femmes enceintes ont été exposées à la Dépakine entre 2007 et 2014.
En 2016, 51.512 femmes en âge de procréer sont sous Dépakine. L’Apesac estime que plus de 50 000 enfants seraient touchés, la Dépakine étant commercialisée depuis 1967 par le laboratoire Sanofi. « Le comble, c’est qu’un tel niveau d’exposition aurait pu être évité, assure Marine Martin. Car les risques de malformation congénitale sont connus depuis les années 1980, les risques de handicap psychomoteur et d’autisme ont été mis en évidence dans les années 2000 ! » L’association française réunit aujourd’hui 1 300 familles et a fait appel à l’avocat du Mediator, maître Joseph-Oudin, pour défendre les droits des victimes. Plus de 800 dossiers sont sur son bureau. Avec des plaintes au civil et au pénal. Le gouvernement a annoncé la création d’un fonds d’indemnisation qui devrait être opérationnel en 2017. « Les modalités concrètes de prise en charge restent à définir. De nombreuses familles d’enfants victimes de la Dépakine sont en grande difficulté, martèle Marine Martin. A l’approche de l’élection présidentielle, nous ne relâcherons pas la pression sur nos politiques. »
« Tromperie aggravée » et « blessures involontaires »
Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire le 23 septembre, pour « tromperie aggravée » et « blessures involontaires ». Elle fait suite à l’enquête préliminaire menée sous l’autorité du parquet depuis septembre 2015. L’association de victimes de l’antiépileptique Dépakine a annoncé, mercredi 21 septembre, avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile. Il est « urgent qu’une enquête indépendante soit diligentée pour comprendre comment […] la Dépakine et ses dérivés ont continué d’être majoritairement prescrits chez des femmes enceintes » alors que les dangers pour le foetus étaient connus, a souligné l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac).
Fin août, le ministère de la Santé a reconnu que plus de 14.000 femmes enceintes avaient été « exposées » à la Dépakine entre 2007 et 2014, alors que les effets de la Dépakine sur la santé des fœtus étaient connus.