Pour la première fois, un tribunal condamne un homme à de la prison ferme pour n’avoir pas su empêcher un ami de prendre sa voiture après une soirée de beuverie. Peu après, à Montpellier, celui-ci renversait Charlotte, 18 ans… Ses parents, Anne et Stéphane Landais, racontent.
« On peut dire que, cette nuit-là, le vice a rencontré la vertu », assène d’une voix sourde Stéphane Landais, le père de la victime. Le 22 décembre 2012, Charlotte, brillante étudiante en pharmacie, revient d’une soirée en taxi. « Notre fille avait travaillé dur tout le semestre. Après une semaine d’examens, elle était sortie décompresser avec ses camarades de promo et fêter le début des vacances. Le lendemain, elle devait nous retrouver pour passer Noël en famille. Nous ne l’avions pas vue depuis deux mois… », se souvient son papa. Ce matin-là, il est 5h40 quand Charlotte sort du taxi, qui vient de la déposer devant sa chambre universitaire. La jeune fille traverse sur le passage piéton. « Il lui restait un mètre à faire avant d’arriver sur le trottoir… » Déboule alors une voiture. Zigzaguant à vive allure, le véhicule la percute.
« La mort de notre fille n’est pas due à une inattention ou à une maladresse »
L’impact est tel que Charlotte est projetée à une douzaine de mètres. Le chauffard, Lhoussain Oulkouch, 34 ans, lui, est déjà loin. Il a pris la fuite sans même ralentir. Charlotte ne se relèvera pas. « Il faut comprendre que la mort de notre fille n’est pas due à une inattention ou à une maladresse, explique Stéphane Landais. C’est le résultat d’une très longue série de délits et d’une irresponsabilité flagrante. Sa mort aurait pu être évitée si Mustapha Bouchane, 34 ans, le compagnon de beuverie, n’avait pas rendu les clés de son véhicule au chauffard. » Ce jour-là, comme le rappelle le tribunal, les deux hommes d’une trentaine d’années vont bien au-delà de la nuit d’ivresse potache : packs de bière, vodkas dans un bar, whisky à gogo en boîte de nuit et prise de stupéfiants tout au long de la nuit.
« Ils se sont alcoolisés et drogués ensemble, cet ami lui a quand même rendu les clés »
Après avoir été expulsés de l’établissement, deux fois pour ivresse, les amis décident de rentrer. Là, M. Bouchane emprunte les clés de voiture du futur chauffard. « Il a reconnu devant le tribunal que, pour sa propre sécurité, il a préféré conduire lui-même, sans permis, pour rentrer, explique ulcéré le père de Charlotte. Il a dit qu’il n’avait pas confiance, vu l’état dans lequel était son ami… » Arrivés chez lui, les deux hommes partagent un dernier joint. « Après s’être alcoolisés et drogués ensemble toute la soirée, avoir conduit chacun sans permis, M. Bouchane a tout de même rendu les clés à son copain sans se soucier de ce qui allait se passer. S’il l’avait gardé chez lui, Charlotte serait encore de ce monde. » C’est ce cas d’espèce très particulier qui vient d’être sanctionné par le tribunal correctionnel de Montpellier. M. Bouchane a été reconnu « coupable d’homicide par imprudence » et condamné à six mois de prison ferme. Il a fait appel de la décision.
« M. Bouchane, qui l’a laissé repartir, avait les moyens d’empêcher un tel drame »
« On est loin du dîner un peu arrosé entre amis », précise le père de Charlotte, qui rappelle le degré d’implication du condamné dans la virée mortelle. « Il avait les moyens d’empêcher un tel drame. D’ailleurs, il a pensé à sa propre sécurité, mais jamais aux autres. Une telle passivité, une telle irresponsabilité, ce n’est plus supportable. » M. Oulkouch, chauffard multirécidiviste, a été condamné en janvier à six ans ferme. Les parents de Charlotte militent aujourd’hui avec une pétition*, pour criminaliser certains comportements routiers. « Quand on tue après avoir pris le volant sans permis, ivre, sous l’emprise de stupéfiants, en violant toutes les règles de sécurité et de prudence, la voiture devient une arme, explique le père de Charlotte. La justice devrait requalifier de tels comportements, car ce n’est plus un homicide involontaire, mais un crime. »
*Pour retrouver la pétition en ligne : bit.ly/petition-tcom