L’affaire a enquiquiné l’été de François Hollande. La justice a rendu sa décision : le coiffeur de François Hollande qui avait assigné Closer suite à un article publié sur le site internet a été débouté. Explications.
Suite et fin de l’affaire du salaire du coiffeur de François Hollande. L’affaire a fait grand bruit dans la classe politique comme les réseaux sociaux et amusé jusqu’à Johnny Hallyday. A l’origine de cette affaire qui a bien ennuyé le Château et contraint le président à s’en expliquer lors de son interview du 14 juillet, les révélations des journalistes Aziz Zemouri et Stéphanie Marteau dans leur ouvrage l’Elysée Off (Fayard), reprises et citées dans un article de Closer du 21 avril dernier.
Dans leur enquête, les deux auteurs expliquaient que le coiffeur capable de « jouer à toute heure des ciseaux et du fer à lisser » sic, étant payé 8000 euros (ndlr net par mois), un gros salaire qui faisait réagir à l’Elysée. Et de citer l’un ancien membre du service de presse qualifiant d’ « aberrant » un tel salaire.
Arguant de la violation de la vie privée, et de sa « souffrance », Olivier B., qui a produit son contrat de travail lors de l’audience – précisant par la même qu’il était payé 9895 euros brut mensuels – réclamait la modique somme de 80.000 euros de dommages et intérêts à notre magazine.
Après l’audience du 7 juillet, le TGI de Nanterre vient de rendre sa décision. Dans son ordonnance du 26 août 2016, la présidente déboute le coiffeur de l’Elysée de ses demandes et le condamne à verser 1500 euros à Closer au nom de la « liberté d’expression et d’information légitime et du public ».
La juge ajoute, entre autres motifs de sa décision (que nous vous proposons de consulter ci-dessous) que « ces commentaires et ces interrogations sur le salaire du coiffeur officiel du président de la République sont susceptibles de contribuer à un débat d’actualité et d’intérêt général sur les comptes et la gestion des services de l’Elysée et le bon emploi de l’argent public en particulier sur le niveau de rémunération de collaborateurs du président de la République »
Closer. vous propose de découvrir l’intégralité de la décision :
Vu l’assignation en référé délivrée le 6 mai 2016 à la société Mondadori magazines France, éditrice du site internet www.closermag, à la demande de M. Olivier B. qui, estimant qu’il a été porté atteinte à son droit à la vie privée par la publication le 21 avril 2016 d’un article intitulé « Le coiffeur de Valérie Trierweiler et François Hollande payé 8.000 euros par mois … par l’Elysée », demande au juge des référés notamment au visa des articles 9 du code civil et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 808 et 809 du code de procédure civile, de condamner la société éditrice à lui payer à titre provisionnel la somme de 80.000 € à titre de dommages-intérêts à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait des atteintes à sa vie privée, ordonner la publication d’un communiqué judiciaire sous astreinte et la condamner à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées par le conseil du demandeur développées oralement à l’audience, demandant au juge des référés de le déclarer recevable en son action, rappelant qu’il est une personnalité non publique qui exerce la profession de coiffeur depuis plus de trente ans, qu’il attache au respect de sa vie privée un soin vigilant, que la révélation d’une activité professionnelle constitue une atteinte à la vie privée, que c’est en parfaite connaissance de cause que la société Mondadori, à la seule fin de lui nuire, compte tenu du ton et de la ponctuation utilisée, a publié l’article manifestement illicite sur son site internet, que cet article qui révèle son identité complète, son passé professionnel et sa rémunération, sans aucune vérification puisqu’erronée, caractérise une violation délibérée de sa vie familiale et ne relève pas de l’information légitime du public sur un événement d’actualité, que son travail est volontairement dévalorisé et que les commentaires dénigrants, portant atteinte à sa réputation, poussent le public à s’indigner du salaire qu’il perçoit, que pour apprécier son préjudice, il faut tenir compte du caractère intrusif des informations dévoilées ainsi que du ton employé, des sous-entendus particulièrement blessants à son encontre ayant pour seul objectif de distraire à ses dépens, de l’importance de la diffusion et du retentissement médiatique de l’article qui a été repris sur d’autres sites, des remarques désobligeantes qu’il a eu à subir de la part de son entourage et de l’humiliation ressentie, l’obligeant à se mettre sur la liste rouge et contraignant son épouse à supprimer son nom d’épouse de tous les réseaux sociaux, de l’angoisse d’être suivi par des journalistes, que toutes ces raisons justifient de sa demande indemnitaire et de la publication sollicités, ajoutant que les auteurs du livre allaient faire l’objet de poursuites ;
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l’audience par la société Mondadori, renonçant à solliciter l’irrecevabilité de l’action de M. B. faute d’apporter la preuve de son intérêt et de sa qualité à agir, demandant au juge des référés de constater l’existence d’une contestation sérieuse et de dire n’y avoir lieu à référé, subsidiairement d’évaluer à la somme provisionnelle de l’euro symbolique le prétendu préjudice, de débouter M. B. de ses autres demandes et de le condamner à lui payer une indemnité de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soutenant qu’il est de jurisprudence constante que la vie professionnelle et ses événements ne sont pas concernés par l’article 9 du code civil et que l’assignation confirme que le demandeur exerce bien la profession de coiffeur au sein de l’Elysée, que ses nom et prénom sont des éléments d’état civil, que l’information sur les revenus versés au coiffeur officiel du Président de la République qui sont payés sur les deniers publics relève incontestablement du droit légitime d’informer, que tant l’article que le ton convenu de celui-ci relèvent de la liberté d’expression et du style journalistique de la rédaction du magazine et ne sauraient être considérés comme intrusifs ou attentatoires, que le demandeur se plaint d’une atteinte à sa réputation qui ne relève pas de l’article 9 du code civil, que les demandes de M. B. se heurtent donc à une contestation sérieuse, que s’agissant du préjudice, le demandeur n’apporte aucun élément concret et pertinent à l’appui de sa demande indemnitaire, qu’il ne démontre pas avoir poursuivi l’ouvrage qui a révélé cette information, que le demandeur prétend que de nombreuses informations contenues dans l’article sont erronées sans le démontrer et qu’en toute hypothèse, le préjudice n’est pas forcément aggravé par le caractère erroné de l’information, que les demandes de publication judiciaires sont manifestement disproportionnées tant dans leur principe que dans les formes sollicitées ;
MOTIFS :
Il y a lieu de prendre acte de ce que la société Mondadori a renoncé à sa fin de non-recevoir, M. B. ayant versé aux débats sa carte nationale d’identité et son contrat de travail.
Conformément aux articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par la presse.
L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit fondamental de la liberté d’expression.
Le droit essentiel au respect de la vie privée doit être concilié avec cette liberté fondamentale consacré par l’article 10 et peut céder devant la liberté d’informer lorsqu’une question d’intérêt général est en cause, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression.
Il faut dans ces circonstances mettre en balance d’une part, les propos qui peuvent relever de la vie privée et d’autre part, le droit à la liberté d’expression et les informations qui peuvent présenter un intérêt légitime pour le public. Il faut apprécier l’article dans son ensemble et dans son contexte pour déterminer si sa teneur peut s’analyser en une information ayant pour objet une question d’intérêt général, sans s’arrêter aux détails.
Le juge des référés n’a par ailleurs pas à apprécier la pertinence du débat d’intérêt général en cause ; il lui suffit d’en constater l’existence.
L’article mis en ligne sur le site internet www.closer.mag le 21 avril 2016 sous le titre « Le coiffeur de Valérie Trierweiler et François Hollande payé 8.000 euros par mois … par l’Elysée » se fait l’écho de certaines révélations, figurant dans un ouvrage intitulé « l’Elysée off » édité par la société Fayard dont les auteurs sont deux journalistes, Aziz Zemouri et Stéphanie Marteau, concernant le « très gros salaire du coiffeur de François Hollande et Valérie Trierweiler quand elle était sa compagne ». Selon l’article, les deux journalistes raconteraient que lorsque François Hollande est arrivé à l’Elysée, il avait décidé un plan d’économie dont auraient été « victimes » les chauffeurs et les amateurs de bon café, mais qu’« il y en a un qui s’en est bien sorti, c’est le coiffeur de François Hollande : Olivier B. ! Pour lui, ce n’est pas la crise… 8.000 euros par mois ! ».
L’article se poursuit en précisant les circonstances dans lesquelles l’intéressé, patron d’un salon pour hommes dans le XVII arrondissement aurait rencontré François Hollande et après avoir travaillé en tant que coiffeur bénévole pendant sa campagne, aurait rejoint l’Elysée à la demande de Valérie Trierweiler, commentant « le salaire du coiffeur capable de « jouer à toute heure des ciseaux et du fer à lisser », 8000 euros par mois, un gros salaire à faire pâlir d’envie plus d’un conseiller…», rapportant l’agacement qu’un tel salaire suscite « au Château », notamment celui d’un ancien membre du service de presse « qui n’a pas digéré le prix de la mise en pli du chef de l’Etat et de sa compagne de l’époque…».
Le nom et le prénom de M. B. qui relèvent de son état civil, sont des informations publiques.
Si le salaire de celui qui n’est pas une personne publique et ne jouit pas d’une notoriété particulière ressortit de sa vie privée, en l’espèce, les propos sur la rémunération versée à M. B. pour exercer sa profession de coiffeur auprès du chef de l’Etat, s’inscrivent dans l’actualité de la parution le 20 avril 2016 d’un livre consacré aux » Secrets, Trahisons et coups tordus au Palais », les commentaires s’attachant au montant du salaire du coiffeur en comparaison notamment du sort fait à d’autres personnes travaillant auprès du Président de la République.
Ces commentaires et ces interrogations sur le salaire du coiffeur officiel du Président de la République sont susceptibles de contribuer à un débat d’actualité et d’intérêt général sur les comptes et la gestion des services de l’Elysée et le bon emploi de l’argent public, en particulier le niveau de rémunération des collaborateurs du Président de la République, le tout dans le contexte évoqué du plan d’économie annoncé par le chef de l’Etat à son arrivée à l’Elysée.
Dans ces circonstances, la société Mondadori soutient à juste titre que les demandes de M. B. se heurtent devant le juge des référés à une contestation sérieuse sur la légitimité d’informer le public sur le salaire de M. B. en tant que coiffeur du Président de la République.
En outre, l’article doit être apprécié dans son ensemble et dans son contexte, sans que le caractère faux ou erroné de certaines informations affirmé par le demandeur, les précisions sur le passé professionnel de M. B. ou le ton général de l’article, soient suffisants à écarter devant le juge des référés le débat d’intérêt général invoqué par la société Mondadori sur le fondement de la liberté d’expression et d’information légitime du public.
Il n’y a donc pas lieu à référé sur les demandes de M. B..
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens seront à la charge de M. B. qui succombe.
L’équité commande de le condamner à payer à la société Mondadori une indemnité de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Prenons acte de ce que la société Mondadori magazines France a renoncé à sa fin de non-recevoir, Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. Olivier B.,
Condamnons M. Olivier B. à payer à la société Mondadori une indemnité de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision, Condamnons M. Olivier B. aux dépens.