Laissé pour mort dans un local à poubelles en 2004, Giraud Tartenson a été relaxé en juillet 2013, après une décennie de « calvaire judiciaire ». Un terrible gâchis pour ce papa privé de sa fille.
Le 10 juillet 2013, il remportait enfin, devant le tribunal d’Evry, son combat pour faire reconnaître son innocence. Pourtant, Giraud Tartenson, 50 ans, reste un homme blessé : « On m’a volé l’enfance de ma fille. Rien ne pourra réparer ça. Je suis en colère et j’en veux même plus à la justice qu’à mes agresseurs. »
Il y a plus de dix ans, le 23 janvier 2004, la vie de ce papa sans histoires a basculé : « Comme un vendredi soir sur deux je me rendais aux Ulis chez Stéphanie, mon ex-compagne, selon le droit de visite qui m’était accordé. Depuis la séparation, nos relations étaient très tendues. J’ai demandé à voir ma fille de 5 ans. Son compagnon m’a alors donné un violent coup de lampe torche. J’étais sonné, le crâne en sang. J’ai voulu fuir par un local à poubelles qui menait vers le commissariat. La porte du fond était fermée. Je me suis trouvé pris au piège. Mon agresseur, poussé par mon ex-femme, est parti dans sa cuisine. Il a réapparu avec un couteau. Les coups ont commencé à pleuvoir. Au cœur, au ventre, à la tête. Il a arrêté, car il a cassé la lame sur moi. A l’arrivée du Samu, j’étais mourant. Dans l’ambulance, j’ai demandé qu’on transmette un dernier message à ma fille : ‘Dites-lui que je l’aimais' ».
Cinq jours dans le coma
Giraud subit quatre opérations, des greffes et d’importantes transfusions de sang. A son réveil, les enquêteurs annoncent pourtant au miraculé que son agresseur a été libéré à l’issue de sa garde à vue… et qu’il est, lui, poursuivi pour violences volontaires ! « Quand je gisais dans une mare de sang, mes agresseurs sont remontés chez eux pour s’automutiler, nous explique-t-il. A la police, ils ont raconté que je les avais attaqués et qu’ils n’avaient fait que se défendre. Puis ils ont profité de mon coma pour porter plainte avant moi. » Pour Giraud, qui se découvre poursuivi au même titre que ses bourreaux, c’est le début d’un long cauchemar : « Le juge aux Affaires familiales a mis mon droit parental sous réserve. En revanche, mon ex-femme et son compagnon, eux-mêmes suspectés de violences avec arme, pouvaient élever ma fille sans être inquiétés. Je n’ai pu la revoir qu’au sein d’une structure spécialisée. Et toujours surveillé. C’était trop dur pour moi. Je l’ai perdue de vue. »
« J’ai sombré dans la dépression »
« Au départ, persuadé de mon bon droit, j’ai cru que tout irait bien.Puis, j’ai sombré dans la dépression. Seul mon travail et ma famille m’ont apporté un soutien. » En 2011, Giraud retrouve un instant l’espoir. « Le substitut du procureur demandait un non-lieu et le jugement de mes agresseurs. L’expert avait constaté que leurs blessures étaient superficielles et qu’elles ne correspondaient pas à une attitude de défense. De plus, ils avaient dit avoir été attaqués chez eux, mais on n’y a jamais retrouvé mes empreintes, et à peine quelques gouttes de sang. En revanche, dans le local où j’avais été poignardé, il y en avait partout. Leur version ne tenait pas. » Pourtant, en août 2012, contre toute attente, la juge d’instruction ne suit pas l’avis du parquet : « J’avais le sentiment d’être face à un mur. La juge ignorait tous les éléments en ma faveur. C’était une forme d’acharnement. Comme si elle refusait d’avoir pu se tromper. Les accusés d’Outreau que j’ai rencontrés m’ont raconté la même chose au sujet du juge Burgaud. Une fois que la machine à broyer est lancée, rien ne l’arrête. »
« Je vais me battre pour ma fille »
Ce n’est qu’en 2013, enfin, que Giraud sera relaxé et l’auteur des coups, condamné à cinq ans de prison dont trois avec sursis et possibilité d’aménagement : « Mon ex-femme a pris dix-huit mois avec sursis. Ils s’en tirent bien tous les deux. Le président du tribunal a estimé que les faits étaient trop anciens. C’est la double peine. J’attends les dommages et intérêts. Rien n’a été fait pour réparer le gâchis terrible avec ma fille. Pendant toutes ces années, on a dû lui répéter que c’était moi, le méchant… Je vais me battre pour elle. J’espère juste la retrouver un jour… Elle me manque tellement. » La petite, qui avait 5 ans à l’époque des faits, est désormais en classe de seconde. De longues années difficiles à combler…