Alors que la loi Travail vient d’être adoptée à coup de 49.3, Margaux, 55 ans, recherche désespérément un emploi stable depuis huit ans. Elle se confie à Closer.
L’emploi des seniors, Margaux Gilquin, 55 ans, en connaît un rayon. Et pour cause, depuis huit ans, au fil des missions d’intérim, elle bataille pour retrouver un vrai poste et échapper à la précarité.
« Le chômage, c’est comme se sentir coincée sur un quai de gare »
Reçue par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, dont la loi Travail a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, Margaux lui a fait part de son vécu. « Myriam El Khomri avait lu mon livre, qu’elle avait beaucoup aimé. Elle trouvait que j’humanisais les chiffres. Je lui ai parlé concrètement des difficultés de la femme senior en recherche d’emploi. Le chômage, c’est comme se sentir coincée sur un quai de gare, tandis que les autres sont dans le train. La ministre et moi avons échangé pendant une heure et demie, et j’ai le sentiment qu’elle a entendu mes arguments. » Des anecdotes de recherche d’emploi, Margaux n’en manque pas, son livre Le Dernier Salaire (éd. XO) en est truffé. Elles pourraient faire sourire s’il n’était pas question de survie et de dignité.
« J’ai essuyé des regards compatissants ou dédaigneux »
Pour décrocher un emploi, Margaux a tout tenté. Participer à un clip vidéo ou démarcher dans un aéroport. « Je suis arrivée à Roissy, j’ai distribué mes CV à ceux qui embarquaient pour affaires à New York. J’ai essuyé des regards étonnés, compatissants ou dédaigneux. Quelques semaines plus tard, un entrepreneur m’a téléphoné. Il m’a donné rendez-vous dans un Starbucks, près de la gare du Nord. Il embarquait dans l’heure pour Londres, il m’a pris un billet. On a fait l’entretien d’embauche dans l’Eurostar. Son assistante avait un grave problème de santé. Il avait besoin de quelqu’un sur-le-champ pour organiser un colloque stratégique pour sa jeune entreprise. On a bien accroché. On a travaillé six mois ensemble jusqu’à ce que son assistante se rétablisse. Ce fut une superbe expérience. […] J’ai envoyé plus de 1 500 CV ciblés, aucun n’a débouché sur un entretien d’embauche pour un CDI. J’ai toujours fait des remplacements pour des départs en congé maternité ou maladie. Mais, l’intérim, on n’en sort jamais. »
« Les neurones ne fonctionnent plus de la même façon après 50 ans »
Si la question de l’âge n’est jamais abordée frontalement, en entretien, les recruteurs savent faire passer le message. Blagues, incivilités, humiliations à la limite de la discrimination, Margaux a tout entendu. « Une fois, une responsable m’a rétorqué : « Comment je pourrais vous faire des remontrances ? Vous avez l’âge de ma mère ! » Une autre fois, une femme en charge du recrutement dans une start-up m’a demandé si on pouvait me surnommer « mamie ». » Parfois, les recruteurs ne prennent pas de pincettes : « Vous savez, les neurones ne fonctionnent plus de la même façon après 50 ans ! » Le message est clair : passé la cinquantaine, au placard ! « On est comme périmé, on ne trouve plus d’emploi, alors qu’on est dynamique et disponible. » Margaux a épuisé ses allocations chômage et survit avec 487 € par mois (allocation spécifique de solidarité), mais ne renonce pas. « Je ne veux pas passer la retraite à regarder les autres vivre. Ça fait trop mal. C’est pour ça que je me bats autant. »