En avril 2002, Roger Bendeçon disparaît. Lundi 9 avril, Fatima, son ex-compagne, surnommée la « Veuve noire », devait comparaître pour l’assassinat de Roger, mais elle est parvenue à s’enfuir au Maroc. Karen, la fille de Roger, se confie sur un mystère vieux de quatorze ans…
« Accuser quelqu’un de meurtre, c’est grave ! Alors, si je dis que c’est elle qui a tué mon père, c’est que je n’ai aucun doute… », affirme Karen Bendeçon. Celle que dénonce Karen, c’est Fatima, l’ex-compagne de son père, Roger Bendeçon. Le couple s’est rencontré en janvier 1993. A l’époque, Roger, 43 ans, est un riche joaillier très convoité par la gent féminine. Fatima, 42 ans, est une femme fatale à la silhouette élancée et au regard incandescent. Entre eux, c’est le coup de foudre. Ils s’installent dans un luxueux appartement du 16e arrondissement de Paris. « Dès que je l’ai vue, j’ai senti qu’elle était fausse et manipulatrice », se souvient Karen. Comme envoûté, Roger répond au moindre désir de Fatima. Il la couvre de bijoux, l’emmène à Monaco, Saint-Barth ou Las Vegas. Mais après sept ans de relations, les amants ne s’entendent plus. « Mon père était venu vivre quelques jours chez moi et il m’avait dit : «Je ne vais pas rester avec elle. Je ne veux pas que ce soit elle qui me ferme les yeux à ma mort.» »
Un frère de Roger découvre que les bijoux et la montre fétiche du disparu sont en vente
Pourtant, Roger accepte de suivre Fatima au Maroc en avril 2002. Elle lui avait proposé de récupérer des lingots d’or à moitié prix auprès d’un voyou qui cherchait à s’en débarrasser. Le 30 avril 2002, le couple s’envole donc pour l’Afrique du Nord. Fatima en reviendra seule une semaine plus tard… Folle d’inquiétude, Karen demande des explications. Fatima lui raconte que Roger traite une affaire illégale. Il faut à tout prix éviter d’alerter la police pour ne pas faire risquer la prison à son père. « Cette histoire me paraissait complètement folle, mais Fatima était très convaincante, alors j’y ai cru et je n’ai rien fait », regrette Karen. Deux semaines après, dans un catalogue de vente aux enchères, l’un des frères de Roger reconnaît tous les bijoux du disparu, surtout sa montre fétiche dont il ne se séparait jamais. Qui vend les biens du disparu dont on est toujours sans nouvelles ? La famille décide de porter plainte pour enlèvement et séquestration, convaincue qu’il lui est arrivé quelque chose de grave. Les policiers ne tardent pas à découvrir le bénéficiaire de la vente estimée à plus de 300 000 €. C’est Fatima !
Sans preuve matérielle, les enquêteurs relâchent Fatima
Convoquée au 36, quai des orfèvres, Fatima explique qu’elle a vendu le patrimoine de Roger, vidé ses comptes à sa demande. Il est bien vivant, mais se cache, car il est poursuivi par des voyous auxquels il a emprunté beaucoup d’argent, l’affaire des lingots d’or ayant capoté. Sans preuve matérielle, les enquêteurs relâchent Fatima. Mais le doute s’est installé chez les proches de Roger. Alors, pour prouver qu’elle dit vrai, Fatima produit un enregistrement d’une conversation téléphonique récente entre Roger et elle. « Dès que j’ai entendu la voix de mon père, toutes mes suspicions se sont envolées. » Rassurée, Karen redonne sa confiance à sa belle-mère. Elles traversent les épreuves ensemble, comme lorsqu’elles sont expulsées de l’appartement du 16e arrondissement. « J’avais un petit boulot de serveuse, bien insuffisant pour payer ce loyer. » Les deux femmes emménagent dans une chambre de bonne de 9 m². Et cinq ans après la disparition de Roger, coup de théâtre ! Un homme contacte la police : ingénieur du son, il explique qu’il a fabriqué une fausse conversation téléphonique à la demande de Fatima. La preuve de vie que Fatima avait produite à la famille…
Le premier compagnon de Fatima aurait, lui aussi, disparu
« Le monde s’effondrait sous mes pieds, s’insurge Karen. Je comprenais que mon père était sans doute mort. J’avais passé cinq ans à dormir dans le même lit que la femme qui avait tué mon père, à la nourrir, à pleurer dans ses bras, à me confier à elle ! » Une enquête approfondie révèle l’impensable. Le premier compagnon de Fatima aurait lui aussi disparu dans des conditions troubles. Les enquêteurs découvrent des titres de propriétés appartenant à Fatima, acquises au Maroc après la disparition de Roger. Placée en détention dans l’attente de son procès pour assassinat, celle que l’on surnomme désormais « la Veuve noire » est libérée avec obligation de pointer au commissariat. Pourtant, elle parvient à fuir au Maroc, son pays natal, d’où elle ne peut être extradée. « En fuyant, elle a signé son crime de façon incontestable », note Me Buchinger, l’avocat de Karen. Lundi 9 avril, elle a été condamnée par défaut à vingt ans de prison. « J’attendais cette audience depuis des années. Je voulais l’affronter et lui faire avouer où est mon père pour l’enterrer dignement. Ça fait quatorze ans que j’espère tourner la page, mais cette page, on me l’a arrachée… »