C’est l’un d’un des procès les plus sulfureux et controversés de la décennie. Condamnée deux fois avant d’être acquittée, Amanda Knox, accusée d’avoir brutalement tuée sa colocataire en Italie, est-elle une victime innocente broyée par la machine judiciaire ou une tueuse psychopathe déguisée en agneau ?
Elle se pensait adulte, affranchie, libre. Conduite à la prison de Capanne, Amanda Knox, 20 ans, se sent soudain toute petite : « J’avais merdé. Je ne savais plus quoi faire. J’étais une gosse. Je voulais voir ma mère. » Elle arrivera aussi vite qu’elle le peut, cette maman prête à traverser les océans pour serrer son bébé dans ses bras. Elle est là. Elle a toujours été là mais, cette fois, Edda Mellas est impuissante. Elle ne pourra pas chasser le vilain cauchemar de sa fille. Soupçonnés du meurtre de Meredith Kercher, Raffaele Sollecito, Amanda Knox et Patrick Lumumba, le patron du bar qui l’employait comme serveuse, sont derrière les barreaux. Ils risquent gros, très gros.
La pression internationale pèse sur l’Italie qui doit faire « bella figura », bonne figure. Il faut trouver des coupables et les punir. Vite. L’opinion mondiale le réclame. Depuis l’annonce du meurtre de Meredith, les médias se sont emparés de l’affaire. Ils s’enflamment et distribuent les rôles. D’un côté, la diabolique Amanda au visage d’ange ; de l’autre, l’amoureux manipulé, Raffaele…
« Meurtre satanique », « L’orgie sexuelle a fini dans le sang »… Voilà le scénario qui s’installe pour de longs mois à la une des journaux. Une théorie nourrie par le comportement inapproprié, ou pour le moins étrange, d’Amanda. Capable de faire la roue pour se détendre en garde à vue. Ou de s’installer sur les genoux de Raffaele, son chéri, et d’improviser un concours de grimaces alors qu’ils sont convoqués au commissariat après la mort de sa colocataire. « Chacun a sa manière de réagir face à l’horreur, se justifiera plus tard l’Américaine. Meredith et moi, on était copines depuis quelques semaines. Ce n’était pas ma meilleure amie, mais ça m’a fait un choc. C’était insensé et ça aurait pu m’arriver à moi. »
Meredith a été violée, frappée de 47 coups de couteau et égorgée
L’enquête semblait pliée. Elle ne fait que commencer. Trois semaines après son arrestation, Patrick Lumumba, le patron de bar accusé par Amanda Knox, est innocenté. Il a fourni un solide alibi. Rien ne s’oppose à sa libération. Pourtant la police en est certaine : Meredith a été tuée par trois personnes. Les carabiniers ont retrouvé l’étudiante gisant à moitié nue dans une mare de sang. Lardée de quarante-sept coups de couteau, puis égorgée. Sa chambre était dans un tel désordre qu’on pourrait penser à un cambriolage qui a mal tourné, mais les enquêteurs n’y croient pas : le meurtre est d’une trop grande sauvagerie, et la victime a subi un viol. Sur la scène du crime, des empreintes ont été retrouvées. Celles d’Amanda, d’abord. Rien d’étonnant puisqu’elles vivent ensemble. Mais il y a plus intéressant.
« Meredith avait la gorge tranchée, elle s’accrochait à moi. J’étais couvert de sang. J’ai eu peur »
Partout dans la chambre de Meredith et dans les toilettes, les enquêteurs trouvent l’ADN d’un certain Rudy Guede, 25 ans, connu pour sa violence, son passé de cambrioleur et ses activités de dealer. Mais Guede a déjà quitté le pays. Aussitôt un mandat international est lancé. Rapidement arrêté, le nouveau suspect est ramené à Pérouse. Il ne peut nier sa présence auprès de Meredith ce soir-là : ses empreintes génétiques sont partout. Elles indiquent une relation sexuelle avec la victime. Alors Rudy Guede raconte son histoire. Oui, il connaît la fille, mais il ne l’a pas tuée. Il l’a retrouvée chez elle.
Elle savait qu’il cherchait à avoir une relation sexuelle et elle était consentante. Seulement voilà, leurs ébats ont été avortés. D’une part, car ni l’un ni l’autre n’avait de préservatif et, d’autre part, parce que Rudy Guede, qui venait de manger un kebab douteux, a dû se ruer vers les toilettes. C’est là qu’il l’a entendue hurler. « Je suis vite sorti, explique-t-il. Y avait un type. Je n’ai pas vu son visage, car il faisait nuit. Il est sorti par la porte d’entrée. Meredith avait la gorge tranchée, elle s’accrochait à moi. J’étais couvert de sang. J’ai eu peur. Juste un truc : Amanda n’a rien à voir avec ça. Elle n’était pas là. » Jugé en procédure accélérée, Rudy Guede est reconnu coupable et condamné à une peine de trente ans de prison. Mais une fois derrière les barreaux, sa version change : « A travers la fenêtre, j’ai vu la silhouette d’Amanda Knox qui quittait la maison… » L’étudiante reste en prison le temps de l’enquête.
Amanda est persuadée que le procès va l’innocenter… Mais elle est condamnée à 25 ans de prison
Un an et demi après le meurtre, le « procès de la décennie » commence. Une fois encore, Amanda est observée, scrutée. A-t-elle le visage d’une tueuse ? Aucun doute pour le sévère juge Mignini chargé de l’affaire. On a retrouvé l’ADN d’Amanda sur un couteau de cuisine. Celui de Raffaele sur l’agrafe du soutien-gorge de Meredith. Pour lui, le couple démoniaque a voulu forcer la victime à participer à une orgie. La douce et sérieuse étudiante a refusé et ce fut le déferlement de violence. Amanda, elle, garde l’espoir pendant toute la durée du procès : « Comment est-ce que je pourrais être accusée ? Je n’ai rien à voir là-dedans. Voilà ce que je me disais. » Sa mère est, elle aussi, persuadée qu’elle sera bientôt innocentée. Pour preuve, toute sa famille est venue en Italie pour le procès, même ses deux petites sœurs. Mais, deux ans après la mort de Meredith, le verdict tombe : « Colpevole ! » Coupable. Knox et Sollecito sont condamnés à vingt-six et vingt-cinq ans de prison.
Si vous avez raté le début de notre saga sur Amanda Knox, retrouvez le premier épisode ici : « On l’appelait la Diabolique de Pérouse… », le deuxième là : « La police a dit que j’étais amnésique, mais que j’avais assisté au crime », et découvrez le quatrième et dernier épisode dans le Closer n° 609, en kiosque vendredi 10 février.