C’est l’un d’un des procès les plus sulfureux et controversés de la décennie. Condamnée deux fois avant d’être acquittée, Amanda Knox, accusée d’avoir brutalement tuée sa colocataire en Italie, est-elle une victime innocente broyée par la machine judiciaire ou une tueuse psychopathe déguisée en agneau ?
« Bonsoir, nous ouvrons le journal d’Umbria TV sur une bien triste nouvelle : Meredith Kercher, une Anglaise de 22 ans a été retrouvée morte chez elle, via della Pergola. Les premiers éléments indiquent qu’elle a été assassinée. » Ce 2 novembre, en arrière-plan, sur le petit écran, les flashs des photographes crépitent. Etrange haie d’honneur qui se forme quand sort la housse mortuaire qui contient le cadavre de la jeune fille. Incroyable comme en quelques minutes, tout a basculé. Comment la coloc de quatre étudiantes s’est soudain transformée aux yeux du monde en « maison de l’horreur ». C’est la police qui a trouvé le corps de Meredith. Raffaele, le petit ami d’Amanda Knox, les a appelés ce matin. Après une nuit passée en sa compagnie, la jeune Américaine est rentrée chez elle, a trouvé la porte ouverte, explique-t-elle, puis des traces de sang.
Elle a voulu vérifier si Meredith, l’une des jeunes filles avec qui elle partage la maison, allait bien. La porte de sa chambre était fermée à clé. Elle a tenté de la joindre sur son portable, la jeune Anglaise ne répondait pas. Alors Amanda a appelé à la rescousse celui avec qui elle passe ses jours et ses nuits depuis une semaine. Raffaele a volé à son secours, mais n’a pas pu défoncer la porte. Les carabinieri, eux, l’ont fait voler en éclats… et ils ont découvert l’horreur : le corps mutilé de la jeune Meredith, la gorge profondément entaillée, des marques de violence sur les bras. Et l’entaille au menton, possible signe de torture. Du sang partout. Détail étrange, le cadavre à demi nu a été recouvert, comme pour préserver sa pudeur. Dehors, ignorant les caméras, Amanda et Raffaele s’embrassent. « C’était notre manière de nous consoler, nous avions peur », diront les amoureux. Manifestations d’affection inappropriées, répondra l’opinion. La légende des amants diaboliques vient de naître.
Les autorités sur les dents…
Le meurtre de Meredith Kercher fait les gros titres du monde entier. L’autopsie est venue confirmer le pire. Une agression sexuelle suivie d’un déferlement de violence. Déjà, on parle d’un crime en réunion. Le visage de Meredith est partout. Brillante, attentionnée, enjouée, la jolie brune venue de l’université de Leeds incarne l’innocence bafouée. La pression internationale pèse lourd sur l’Italie. Il faut trouver un coupable, vite. Montrer qu’on est à la hauteur face à une affaire d’une telle ampleur.
Deux jours après le meurtre, la police ramène Amanda chez elle. Le soulagement est de courte durée. On lui montre le tiroir où sont rangés les couteaux de cuisine. Elle est sommée d’en faire l’inventaire. Est-ce qu’il en manque un ? Et la réalité la frappe de plein fouet. La mort de Meredith, le fait qu’elle puisse être suspectée d’y être mêlée. La jeune femme s’effondre : « Je suis devenue hystérique », confesse Amanda Knox dans le documentaire exclusif que lui consacre Netflix. Un homme assiste à la scène. Rond, dégarni, l’air sévère, c’est Giuliano Mignini, le juge chargé de l’affaire. « Elle se frappait les oreilles. Comme si elle se souvenait du cri de Meredith », raconte-t-il. A cet instant, par un simple geste, Amanda vient de devenir, à ses yeux, une possible meurtrière.
« Ton petit copain vient de te balancer »
Le 5 novembre, Raffaele est convoqué pour répondre à quelques questions et, bien entendu, les inséparables sont arrivés ensemble. L’Américaine n’a aucune idée de ce qui se passe ni de ce qui se dit mais, de l’autre côté du mur, Raffaele vient de la trahir. Il change soudain sa version de faits. C’est elle qui lui a demandé de mentir, raconte-t-il. Oui, ils ont passé la nuit du meurtre ensemble, mais la jolie blonde ne l’a rejoint chez lui qu’à partir d’une heure du matin. Plus tard, l’étudiant timide racontera avoir été manipulé, brusqué par la police. Quand la porte s’ouvre, Amanda est appelée à son tour. « Ton petit copain vient de te balancer. » Elle tombe des nues, dit-elle.
C’est à son tour d’être interrogée. Elle est seule avec la police, maîtrise à peine l’italien. Un véritable cauchemar, résumera-telle : « J’ai demandé si je devais prendre un avocat. On m’a dit que ce serait pire si je le faisais. Ce qui est impardonnable. Pendant des heures, on me répète que mes réponses sont fausses, que je ne me souviens pas bien. Que si je ne réponds pas correctement, je ne reverrai jamais ma famille. J‘étais paumée, terrifiée. Les enquêteurs martelaient que j’avais forcément vu des choses, mais que le choc avait provoqué une amnésie. » Pour preuve, disent les policiers, le texto envoyé cette nuit-là par Amanda à son patron, Patrick Lumumba. « Ci vediamo piu tardi » (« A plus tard »), avait-elle écrit et conclu.
« J’ai craqué… »
« C’était juste une formule, mais pour eux, ça voulait forcément dire qu’on avait rendez-vous la nuit du crime. Je pleurais. A un moment, ils m’ont donné une gifle derrière la tête. Quelqu’un hurlait : « Souviens-toi ! » J’ai craqué. Tout tournait dans ma tête. Je voyais la rue de Raffaele, la porte de ma maison ouverte, la veste de Patrick Lumumba. J’ai cru me souvenir que Lumumba avait tué Meredith. » La police est ravie. Elle a les réponses qu’elle voulait. Amanda, Raffaele et Lumumba sont arrêtés. Caso chiuso ! Affaire classée ? Pas vraiment…
Si vous avez raté le premier épisode de notre saga sur Amanda Know, retrouvez-le ici : « On l’appelait la Diabolique de Pérouse… » et découvrez le troisième épisode dans le Closer n° 608, en kiosque vendredi 3 février.