A l’âge de 17 ans, Jean-Pierre Boudhar a connu la rue. Quarante ans plus tard, à la tête de six agences immobilières dans la région lilloise, ce patron atypique loge une vingtaine de sans domicile fixe.
« Tendre la main. » Si Jean-Pierre Boudhar devait résumer sa philosophie en trois mots, aucun doute, il choisirait ceux-là. Aujourd’hui à la tête de six agences immobilières dans la région lilloise, ce « diplômé de la rue » loue depuis quinze ans des appartements à prix modique à ceux qui sont privés de toit et veulent se sortir de la rue. Une évidence pour ce quinquagénaire qui a fait de la solidarité le fil rouge de son parcours hors norme. Issu d’une fratrie de dix enfants, Jean-Pierre Boudhar a connu la misère et les outrages terribles qu’elle impose à ceux qui en sont issus.
Famille brisée, violence, enfance ballottée de foyer en foyer. A 17 ans, livré à lui-même, il se retrouve à la rue. « J’y suis resté huit mois. Obligé de batailler chaque jour pour trouver où dormir et comment me laver. Heureusement pour moi, je suis maniaque et j’ai toujours tout fait pour prendre soin de moi et rester propre. Et surtout, je ne buvais pas, je ne me droguais pas non plus. »
Ce qui l’anime, c’est remettre en selle ceux qui ont connu la rue
Le destin s’acharne, mais une rencontre, enfin, lui permet de s’en sortir. Alors qu’il s’endort dans un café, épuisé par son quotidien de sans-abri, le jeune Jean-Pierre se réveille entouré de trois étudiants. Après avoir discuté avec lui, ils lui offrent le gîte pour « une nuit seulement » dans leur colocation : « J’y suis resté cinq ans ! Avec eux, j’ai pu parler politique, culture. Ces gens m’ont offert une magnifique ouverture sur le monde. Quarante plus tard, nous sommes toujours amis. Je peux dire qu’ils m’ont sauvé la vie. »
Armé d’une incroyable détermination, le jeune Jean-Pierre se bat comme un beau diable pour tordre le cou au malheur. Il enchaîne les boulots, en impose par son travail, jusqu’à s’offrir une vie à la mesure de ses rêves. Mais assez parlé de lui, il nous en voudrait. Ce qui anime aujourd’hui ce patron charismatique, c’est l’espoir de remettre en selle ceux qui ont connu la rue.
« Ces gens ne sont pas des clochards, mais des accidentés de la vie »
« Je possède deux immeubles près de Lille que je mets à disposition des SDF. J’y héberge une vingtaine de personnes dans des chambres meublées remises à neuf. Les habitants doivent verser 92 € de leur poche par mois, le reste est payé par l’aide au logement. Je choisis des gens dont je sens qu’ils ont la volonté de s’en sortir. J’ai instauré des règles strictes. Les locataires ne doivent pas faire de bruit après 22 heures et maintenir les lieux propres. Je suis exigeant là-dessus. Le respect, qu’il soit envers les autres ou soi-même, est primordial. Parmi mes locataires, j’ai un fils de médecin, un chef d’entreprise qui a perdu pied après son divorce. Ce ne sont pas des clochards, mais des accidentés de la vie. On peut dégringoler très vite. Beaucoup préfèrent l’oublier ! »»
A l’échelle du pays, il faut un Téléthon des sans domicile fixe
Déçu de l’inertie des politiques qui « ne connaissent rien à la réalité des Français », Jean-Pierre pointe l’urgence de la situation et en appelle aux dons. « Le Collectif des SDF de Lille avec lequel je travaille fait un boulot de titan, mais manque cruellement de moyens. Ils ont vraiment besoin de votre soutien ! A l’échelle du pays, il faut une grande émission nationale, un Téléthon des sans domicile fixe. Avec un parrain comme Dany Boon qui connaît si bien le Nord ou Jamel Debbouze, que je trouve très humain. Avec les fonds recueillis, il faut mener des actions de terrain. Construire des logements doublés de maisons médicalisées et de cellules d’insertion. Il faut guérir de la rue en profondeur, si l’on ne veut pas y retourner. Je ne prétends pas sauver le monde, je fais simplement ce que je peux à mon niveau. J’ai fait l’expérience qu’avoir toujours plus d’argent ne rendait pas heureux. Il est temps que nous retrouvions le sens des mots compassion et humanité. »
Cet article est extrait du n° 606 de Closer.
Pour faire un don au Collectif des SDF de Lille :
lespetitespierres.org/faire-un-don/soutenons-les-maraudes-du-collectif-des-sdf
Ou leetchi.com/c/association-de-collectif-des-sdf-de-lille-10976602
Ou envoyer un chèque à l’ordre de : Collectif des SDF de Lille, Agence Immoclef, 313, avenue de Dunkerque, 59160 Lomme.