INTERVIEW. S’il fait danser les gens partout dans le monde jusqu’au bout de la nuit, le DJ est lui-même d’une zénitude monastique. Bob Sinclar, 47 ans, a choisi une discipline de vie ultrasaine pour que les autres puissent faire la fête. Rencontre avec un pur marchand de bonheur…
Closer : Le monde entier connaît votre musique. Mais qui êtes-vous réellement ?
Bob Sinclar : Mon vrai nom est Christophe Le Friant. Pas très glamour, j’avoue. Breton d’origine, je suis né et j’ai grandi à Paris, dans le Marais. J’y travaille et j’y habite toujours. J’aime ce quartier qui, depuis trente ans, a explosé. Dans mon enfance, c’était presque mal famé. Mais y ont émergé un milieu musical et une scène gay qui m’ont profondément inspiré. Moi, je suis fan d’une période artistique, entre 1970 et 1985, qui a influencé tout ce qui se fait aujourd’hui en art, en musique et dans la mode.
Comment êtes-vous devenu DJ ?
J’aimais danser. Sans être musicien, j’ai découvert cette passion pour la musique, le rap, la house music, en allant dans des clubs. Quand j’ai vu le DJ capter l’attention de tous les clubbers, leur donner cette dynamique corporelle, ça m’a retourné le cerveau !
Mais c’est vous qui avez créé l’image positive du DJ !
Il y a quinze ans encore, être DJ était considéré comme un métier marginal. Quand j’en ai parlé à ma mère, comme beaucoup, elle pensait que les DJ traînaient la nuit, se droguaient et buvaient de l’alcool. Des images très négatives. Moi, je me suis toujours battu pour donner une image saine de ce métier parce que, depuis mon enfance, je rêvais d’être sportif professionnel, dans le tennis ou le foot. Même si je n’en avais pas les qualités physiques, je me suis toujours entraîné, en observant une discipline de vie, sportive et alimentaire. Je n’ai jamais fumé, pris de drogue ou bu d’alcool… Je n’en supporte même pas l’odeur !
D’où vient votre pseudo ?
Je suis un très grand fan de Belmondo : c’est le nom de son personnage dans le film Le Magnifique, où il incarne un auteur un peu raté qui a écrit des sortes d’OSS 117 et qui se dit que, sur quarante livres, quelques bonnes pages passeront peut-être à la postérité. Quelqu’un pas sûr de lui, mais qui vit en rêve les aventures de son personnage. C’était mon sentiment au début des années 1990 : dans ma chambre d’ado, en train de faire ma musique, je rêvais de voyager dans le monde entier avec ce nom d’artiste, Bob Sinclar. C’était une blague, et je l’ai finalement gardé.
Comment tenez-vous avec tant de décalages horaires ?
Je prends l’avion environ 150 fois par an et, parfois, je suis épuisé. Mais dès que j’arrive au club et que je mets mon premier titre, c’est parti ! Comme lorsqu’on commence à courir : au bout de 10-15 minutes, on sent l’effet des endorphines. L’émotion du bonheur m’anime toujours ! Et puis, pour garder son équilibre, la famille est primordiale. Sans oublier la même équipe qui me suit depuis des années. Je suis très fidèle.
Justement, votre maman travaille aussi avec vous…
Après avoir pris sa retraite, elle s’embêtait. Je lui ai dit : « Viens, j’ai besoin de toi pour gérer mes affaires. » Et qui d’autre qu’une maman peut faire ça aussi bien ? (Il rit.) Elle m’apporte son soutien, son amour, depuis toujours ! Ma mère a toujours cru en moi, parce que je n’ai jamais été un enfant négatif, ni dépressif.
Comme producteur, vous avez créé une famille artistique…
J’ai accueilli des artistes, comme Dimitri from Paris, Salomé de Bahia ou des DJ comme Michael Calfan ou Erik Hagleton. J’aime ce côté transmission. La French Touch a donné aux DJ du monde entier une conscience d’artiste à part entière.
Aujourd’hui, Martin Solveig et David Guetta sont très influents sur la scène internationale.
Vos deux enfants sont-ils toujours vos premiers critiques ?
Quand, en 2005, j’ai fait Love Generation et que je le jouais à la maison, ça touchait beaucoup les enfants. Ils faisaient des bonds avec leurs couches… Souvent, en effet, je mets mon nouveau titre dans le lecteur de la voiture, sans leur dire. Si, après, ils me disent : « Tu ne peux pas repasser celle-là ? Qu’est-ce que c’est ? », j’ai capté leur attention. Après il faut que ça plaise sur le dance-floor et en radio. Mais la première étape, c’est eux…
Pour vous, quel est le plus beau son au monde ?
Toujours des rires d’enfants ! Le rire des tout-petits, notamment. C’est l’innocence que l’on perd en grandissant. Artistiquement, il faut essayer de la garder. Leurs rires concentrent tout ça.
Votre famille s’est agrandie récemment : Benjamin Castaldi est devenu votre beau-frère…
Quel homme charmant ! J’ai beaucoup de chance, et j’adore ma belle-sœur, Aurore (la sœur de son épouse, Ingrid, NDLR). Benjamin est un homme qui sait assumer ses responsabilités. Il a l’esprit de famille. C’est quelqu’un de très généreux, avec une énergie fabuleuse, beaucoup d’humour. C’est un mec que j’adore. Je pourrais parler de lui pendant des heures !
Face à l’actualité parfois terrible du monde, comment vivez-vous votre métier de fête ?
Juste un exemple. Je mixais à Ibiza quand j’ai appris le terrible attentat de Nice, le 14 juillet dernier. J’ai hésité à prendre le micro, à tout arrêter. Mais je me suis dit : il y a des gens qui souffrent en ce moment, d’autres qui s’amusent sur le dance floor et, enfin, des « malades » qui blessent et tuent pour chercher à nous arrêter. J’ai eu très vite un sentiment de révolte : nous sommes dans un pays libre, nous avons le droit de danser et, donc, on va faire la fête pour montrer à ces gens-là ce dont on est capable… Une semaine plus tard, je devais jouer à Vence, à 20 km de Nice. L’organisateur du concert m’a demandé si j’étais toujours d’accord. Bien sûr ! C’est un concert dont je me souviendrai toute ma vie ! Il y avait 10 000 personnes et, pendant deux heures, c’était une explosion de bonheur, sur fond de tristesse. Une énergie phénoménale ! A la fin, j’ai expliqué au micro qu’on avait failli annuler, mais qu’on était fort, que la France restait debout. Si des fous nous en veulent, on leur montre qu’on a cette force-là : celle de survivre, de résister !
Cette interview a été publiée dans le numéro 603 de Closer.
5 choses qu’on ne sait pas sur Bob Sinclar
1. C’est un grand collectionneur, des tenues de tennis vintage aux sneakers en passant par Playboy .
2. Il adore l’humoriste Benny Hill : « Ça résume tout ! Mon côté fan de playmates et plein d’humour. »
3. Son plus grand défaut, selon lui : « Je suis très impatient : il faut que ça aille très vite ! »
4. Il adore les buffets des hôtels et il avoue être très gourmand, mais raisonnable. Même s’il peut « craquer par périodes ».
5. L’endroit qu’il préfère au monde, c’est New York, pour son incroyable énergie : « C’est une ville où le plus laid côtoie le plus beau. »