Anne Darwin a été au cœur de la plus médiatique arnaque à l’assurance-vie d’Angleterre pour avoir fait croire à tous, y compris à ses enfants, que son mari était mort…Repentie, cette mère de famille raconte dans un livre l’escroquerie qui lui a valu le scandale, la prison ferme et le désamour de ses deux fils.
« Ce 11 décembre 2007, en quelques minutes, je n’étais plus Anne Darwin, maman, sympathique voisine, pilier de la communauté, assistante médicale, mais la prisonnière KP4801. » A son arrivée, la mère de famille est loin d’être une inconnue pour ses codétenues. Car elle a choqué l’Angleterre en aidant son mari à feindre sa mort pour toucher le jackpot de l’assurance-vie. Démasqué, le couple a été placé en garde à vue. Puis Anne a été transférée, menottes aux poignets, dans une prison de haute sécurité pour femmes, près de Durham. L’affaire a fait les gros titres de la presse anglaise. Anne y est surnommée « canoe widow », la veuve au canoë.
« Je me suis sentie trahie et, pire, j’étais sans nouvelles de mes fils »
« Toutes les détenues se languissaient de me questionner sur les détails de mon histoire. » Une attention dont se serait bien passée la discrète Anne. « J’étais terrifiée ! John, mon mari, était gardien de prison, j’avais entendu toutes sortes d’horribles histoires sur ce qui se passait derrière les murs des centres pénitenciers. » Alors qu’Anne tente de se faire oublier, un maton lui montre un journal qui publie une lettre très salace de son mari, adressée à une femme. « La notoriété de notre délit avait, semble-t-il, fait de lui un détenu courtisé. Je me suis sentie trahie et, pire, j’étais sans nouvelles de mes fils. » Silence radio jusqu’au procès, sept mois plus tard. Les avocats d’Anne lui conseillent de plaider la contrainte maritale : elle aurait agi sous l’influence de son mari, le vrai cerveau de l’arnaque qui aurait tiré les ficelles de cette docile marionnette. « Si les juges entendaient cet argument, j’avais des chances de sortir libre du tribunal. J’ai suivi la tactique de mes avocats et je l’ai bien regretté. » Le 14 juillet 2008, le procès commence. Le tribunal de Middlesbrough est plein à craquer de journalistes et de curieux venus assister au procès du couple.
« Aucune chance de faire valoir la contrainte maritale »
Tous les détails de l’arnaque de la décennie sont étalés, disséqués sur la place publique. Anne réalise alors son erreur de stratégie. « Aucune chance de faire valoir la contrainte maritale, même nos mails amoureux ont été lus à la barre. » Jour après jour, le juge et les jurés écoutent de quelle manière Anne a feint d’être une veuve éplorée et menti à ses proches et à ses enfants. « Aussi douloureux que cela a pu être, tout était vrai ! » Anne n’avait pas revu ses fils lorsque Mark est appelé à la barre en tant que témoin. « Je n’arrive pas à croire qu’elle était au courant que papa était vivant, s’insurge l’aîné des enfants Darwin, et qu’elle nous l’ait caché tout ce temps. Lors de ces révélations, mon univers, mes certitudes se sont brisés », confie-t-il à la barre. « J’étais dévastée de lire autant de colère dans les yeux de Mark, se souvient Anne. Anthony, lui, n’a pas daigné me jeter un seul regard. Je ne sais pas ce qui fut le pire. La haine ou l’indifférence. » Neuf jours plus tard, le verdict tombe, implacable. John Darwin est condamné à six ans et trois mois de prison et Anne écope de six ans et six mois. « Madame, les mensonges et la souffrance que vous avez infligés à vos enfants, lors de toutes ces années, a motivé cette peine plus sévère », a tonné le juge.
« Quand Anthony m’a présenté mon premier petit-fils, j’étais à la fois aux anges et pétrie de honte »
Détenue, Anne reçoit enfin la première visite de son fils Mark deux mois plus tard. Il s’est marié avec sa petite amie de longue date. « Si je n’avais pas été aussi stupide et malhonnête, j’aurais été de la fête », regrette toujours Anne. Le mois suivant, son second, Anthony, lui écrit une courte lettre. Une libération pour la mère de famille repentante. « S’ils ne m’avaient pas pardonné mes mensonges, mes enfants ne m’avaient pas pour autant reniée. » Il lui faudra attendre mai 2010, pour qu’enfin, Anne reçoive la première visite d’Anthony. Deux ans après le verdict, son fils cadet n’a toujours pas décoléré. « Furieux, il voulait entendre de ma bouche pourquoi je lui avais causé autant de peine. Aussi triste que je l’étais, je n’avais aucun justificatif à lui opposer. Je ne pouvais que me confondre en excuses. Il faut croire que ma sincérité l’a un peu apaisé. Plusieurs mois plus tard, Anthony et sa femme sont revenus me voir pour me présenter mon premier petit-fils. En larmes, j’ai serré leur bébé dans mes bras. J’étais à la fois aux anges et pétrie de honte d’être une mamie taularde. » Mais le temps du pardon était enfin arrivé.
« Depuis le divorce, je n’ai plus de nouvelles de John, il a épousé sa nouvelle femme aux Philippines »
C’est en novembre 2010 qu’Anne décide de mettre un terme à trente-sept ans de mariage avec John. « Je connaissais John depuis mes 11 ans. Il était temps de prendre un nouveau départ. C’est ce que j’aurais dû lui dire il y a bien longtemps. J’aurais préféré la honte et la banqueroute à ce naufrage familial. » Le 9 mars 2011, Anne sort de prison, elle est en liberté conditionnelle. Elle a collaboré avec la police pour faire revenir du Panama tout l’argent volé. Le divorce des Darwin sera prononcé le 11 janvier 2012. « Depuis cette date, je n’ai plus jamais eu de nouvelles de John. Il vit à présent aux Philippines, où il a rencontré et épousé sa nouvelle femme. » Anne a reconstruit sa vie et travaille pour la SPA. « Je suis devenue bénévole lors de ma conditionnelle et, depuis, j’ai été engagée en tant que secrétaire. Ils font partie des personnes qui m’ont donné une seconde chance dans la vie. » Les bénéfices du livre Out of My Depth sont reversés à l’association de défense animale. Depuis, elle savoure une vie paisible de grand-mère aux côtés de ses quatre petits-enfants. « J’ai découvert que j’avais besoin de ma famille, mais pas d’un mari. Il m’a fallu trente-sept ans de mariage, l’arnaque de la décennie et une peine de six ans de prison pour le découvrir. Aujourd’hui, je sais qui je suis. »
Cette histoire vous a émue ? Retrouvez le premier épisode ici : « J’ai fait croire à mes enfants que leur père était mort », et le second épisode là : « La presse nous a confondus en dévoilant la fausse disparition de mon mari ». Et découvrez également beaucoup d’autres témoignages sur Closer.fr