Outre-Manche, la révélation d’Andy Woodward, un ancien footballeur professionnel, a fait l’effet d’une bombe. Depuis un mois, les témoignages de sportifs ayant subi des abus sexuels affluent. 429 victimes ont déjà été recensées…
L’affaire est en passe de devenir l’un des plus gros scandales de pédophilie jamais révélé en Europe. Depuis un mois, pas un jour ne passe sans que la presse anglaise ne révèle un nouveau témoignage de joueur de football accusant un ancien entraîneur d’agressions sexuelles. Anciens joueurs professionnels, internationaux, tous ont été exposés enfants à des prédateurs au sein de clubs ou de centres de formation entre 1970 et 1990. Début décembre, une ligne téléphonique gérée par une association britannique de protection de l’enfance (National Society for the Prevention of Cruelty to Children) est ouverte pour offrir « un soutien à quiconque a été sexuellement agressé dans le milieu du football ».
Elle est aussitôt submergée d’appels : 50 dans les deux premières heures et 860 la semaine de sa mise en place. Le 23 décembre dernier, un premier bilan – provisoire et glaçant – fait état de 429 victimes, âgées de 4 à 20 ans au moment des faits. Une véritable onde de choc pour la Fédération anglaise, accusée d’avoir fermé les yeux sur ces pratiques. 155 suspects identifiés, 148 clubs de tous niveaux impliqués…
« A dix reprises, j’ai failli mettre fin à mes jours »
Tout cela grâce au courage d’un seul homme, Andy Woodward, 43 ans, ancien défenseur au Crewe Alexandra FC, aujourd’hui en 4e division. Dans un article paru le 16 novembre dans The Guardian, l’ancien joueur professionnel brise l’omerta. Il raconte comment il a été abusé pendant des années par son entraîneur de l’époque, Barry Bennell. « Ma vie a été ruinée jusqu’à ce que j’atteigne 43 ans. Combien d’autres sont dans ce cas ? », s’interroge-t-il. Des centaines, si l’on en croit les témoignages qui affluent… A 11 ans à peine, des rêves de ballon rond plein la tête, le jeune Andy Woodward fait partie des juniors du Stockport Boys.
Joueur prometteur, il est alors repéré par Barry Bennell. Recruteur en recherche de footballeurs en herbe… et de proies, il propose au petit garçon de porter le maillot du Crewe Alexandra. Chance trompeuse qui se transforme en calvaire : « Je voulais juste jouer au foot. Mes parents pourraient vous dire que j’ai eu toujours eu un ballon dans les mains, où que j’aille. Je voyais ce club comme le début de ce rêve. Mais j’étais d’un naturel doux et Bennell ciblait précisément les plus doux et les plus fragiles. » Bennell est un entraîneur reconnu et apprécié de tous. Quand il propose de passer chercher le petit Andy après l’école ou l’invite dans sa maison, personne ne se méfie.
C’est là que les abus sexuels seront perpétrés. De 11 à 15 ans, le jeune garçon sera « violé entre 50 et 100 fois ». Menacé, victime de chantage, Andy est contraint au silence. Le bourreau poussera l’horreur jusqu’à épouser la sœur de sa victime. Un secret qui détruira la vie et la carrière d’Andy Woodward. « A dix reprises, j’ai failli mettre fin à mes jours », confie-t-il. Jusqu’à trouver enfin, il y a un mois, le courage de parler publiquement. Pour se reconstruire et encourager d’autres à se libérer de leur « terrible fardeau ».
Depuis les déclarations d’Andy, d’autres sportifs témoignent
Dans son sillage, ils sont des dizaines d’anciens joueurs à dénoncer les mêmes faits. De la part de Bennel et de tant d’autres… Aux quatre coins du Royaume-Uni, des enquêtes sont ouvertes. A Southampton, Chelsea, Newcastle, Liverpool… Elles visent des dizaines de suspects, entraîneurs, éducateurs, employés dans des centres de formation de clubs. L’ampleur du phénomène pose question. Au point de faire suspecter l’existence d’un « cercle pédophile » dans l’univers du football du nord-ouest de l’Angleterre dans les années 80, selon les mots d’un ex-joueur des juniors de Manchester City. Actuellement en prison, Barry Bennell, aujourd’hui âgé de 62 ans, sera jugé ce mois-ci. Andy Woodward, lui, attend toujours des réponses des instances dirigeantes du foot anglais.