Par amour pour Emilie, Philippe a consenti à un immense sacrifice : renoncer à fonder la famille de ses rêves. Aujourd’hui, dans « Closer », la jeune femme lui adresse un émouvant message d’amour.
Atteinte de polyarthrite juvénile depuis l’enfance, Emilie sait que sa maladie l’empêchera de fonder une famille. C’est pourquoi elle ne s’est jamais engagée dans une relation suivie, et puis elle a rencontré Philippe…
En entrant au bloc pour une opération censée l’empêcher de devenir aveugle, Emilie pensait que l’intervention serait un échec : « J’en étais tellement sûre que j’avais déjà pris rendez-vous dans un établissement pour apprendre à vivre comme les non-voyants. »
« La maladie m’abîmait moi, mais aussi ceux que j’aimais »
Cette cécité annoncée n’était pour elle qu’une étape de plus de la maladie qui la faisait souffrir depuis l’enfance. « Petite fille, j’étais tout le temps fatiguée. J’avais des douleurs partout, au point de ne plus pouvoir marcher ou me servir de ma main droite. » Les médecins peinent à trouver une explication : crises de croissance, caractère nonchalant, carences… Jusqu’au jour où le diagnostic tombe : Emilie est atteinte de polyarthrite juvénile, une forme rare et que l’on ne sait pas soigner. Avec la maladie, elle découvre la solitude. « J’étais trop différente des autres élèves. Je n’avais pas les mêmes préoccupations que les gamins de mon âge… »
Les corticoïdes qu’on lui administre à l’adolescence occasionnent une prise de poids qui lui vaut des moqueries. Pour finir, les hospitalisations l’obligent à poursuivre sa scolarité par correspondance, jusqu’à un BEP de secrétariat. Contre la douleur permanente, Emilie met en place des systèmes de défense : « Il faut faire diversion, s’occuper l’esprit pour ne pas penser à la douleur. » Il n’existe, hélas, pas de parade contre la souffrance morale. « Quand vous êtes malade, vous imposez votre maladie et ses conséquences aux autres. Je n’oublierai jamais les larmes de ma mère lorsqu’elle assistait impuissante aux crises qui me clouaient au lit. Elle avait arrêté de travailler pour s’occuper de moi… La maladie m’abîmait moi, mais aussi ceux que j’aimais. »
« Il aurait fait un papa formidable »
A une soirée chez des amis, un beau jour de 2007, elle ignore que sa vie va basculer, cette fois du bon côté. Parmi les invités, il y a Philippe… « J’ai tout de suite compris que c’était « lui ». Je ne sais pas pourquoi mais, alors que je repoussais les autres hommes, lui, je l’ai laissé s’approcher de moi. Et je ne lui ai pas parlé de ma maladie. J’avais trop peur qu’il parte en courant. » Trois semaines après leur rencontre, le couple décide de vivre ensemble. Cette fois, Emilie est obligée d’informer son amoureux de son état de santé. « Je savais que ce serait l’épreuve du feu. Mon compagnon allait me voir souffrir sans rien pouvoir faire pour me soulager. Supporter d’avoir quelqu’un dans son lit, brûlante de fièvre lors des crises inflammatoires, ou qui délire en faisant des cauchemars la nuit… »
Il y a une différence entre affirmer que l’on est prêt à vivre avec une personne malade et y parvenir. Et puis, il y a ce sacrifice ultime qu’Emilie lui impose. Philippe, plus âgé qu’elle, ne veut pas perdre de temps : « Si, à 40 ans, je n’ai pas d’enfants, alors je n’en aurai jamais. » La jeune femme, elle, a fait le deuil de la maternité. « Il était impossible pour moi d’avoir un bébé. Je ne voulais pas transmettre ma maladie et ma souffrance. Je lui ai dit franchement : si tu veux des enfants, ne reste pas avec moi. » Non seulement Philippe a quand même épousé Emilie, en 2010, mais il n’a plus jamais abordé le sujet. Ce sacrifice, Emilie le sait, est énorme. « Parfois, quand je le vois jouer avec des enfants de notre entourage, je me dis qu’il aurait fait un papa formidable.« Chaque jour, le mal d’Emilie progresse. Inexorablement, sa vue s’amenuise.
« Il reste l’homme qui m’a le plus donné »
Impuissant, Philippe multiplie les preuves d’amour. « Dans les magasins, il me lisait les étiquettes, dans la rue, il me prévenait des obstacles. Et, lorsque nous regardions un film, il me décrivait les scènes qui se déroulaient dans l’obscurité. De mon côté, j’avais appris à regarder son visage du bout de mes doigts… » En 2013, les médecins proposent une intervention : l’opération de la dernière chance. « J’étais sûre que ce serait un échec, confie Emilie. J‘ai pensé que je ne verrais plus jamais les étoiles ni les flocons de neige… » Philippe est présent lorsqu’elle part au bloc. Il est encore là le jour où Emilie est autorisée à retirer le pansement qui couvre ses yeux. « La première chose que j’ai vue, dit-elle de sa voix douce, c’est le regard de Philippe, ses yeux incroyablement bleus. Il était penché sur moi, je l’ai fixé sans pouvoir m’arrêter. » Pourtant, Emilie et son mari ne finiront pas leurs jours ensemble. Philippe a choisi une autre vie dans laquelle la jeune femme n’a pas sa place. « Si je témoigne aujourd’hui, c’est pour le remercier pour ces merveilleuses années. Quand il aura la surprise de découvrir cet article, il saura qu’il reste l’homme qui m’a le plus donné. Un homme formidable. Et que j’aimerai toujours profondément. »