Touchée par une hémorragie cérébrale après la naissance de son bébé, Carole est restée huit ans dans le coma. Un drame qui aurait dû être évité selon sa famille, qui poursuit l’hôpital. Et qui dénonce une « impunité totale » des médecins.
Souffrant de violents maux de tête, Carole, 35 ans, maman de quatre enfants, s’est présentée le 14 mars 2008 aux urgences, qui l’ont laissée repartir dès le lendemain. Deux jours après, elle sombrait dans un coma de huit ans, dont elle ne s’est jamais réveillée. Voulant comprendre ce qui s’était passé, son père a détaillé son dossier médical. Aujourd’hui, il se bat pour faire reconnaître la responsabilité de l’hôpital dans la mort de sa fille.
« Ma fille est décédée le 6 novembre, après huit ans dans le coma, où elle était avec nous sans être là, confie avec tristesse et dignité Bernard Elhaik, le père de Carole. Pendant huit ans, j’ai vu ses quatre enfants grandir sans leur maman. Ma petite-fille Eden vient d’avoir 8 ans. Carole est tombée dans le coma une semaine après sa naissance. Il y a peu, Eden a dessiné des papillons et des cœurs avec cette déclaration d’amour lourde de sens « Je t’aime, maman Carole ». Comme si elle pouvait avoir une autre mère… »
« Les médecins l’ont privée d’une prise en charge qui lui aurait sauvé la vie »
Le 14 mars 2008, la vie de Carole bascule. Ce jour-là, la jeune femme de 35 ans ne supporte plus les migraines qui lui martèlent la tête depuis son accouchement. Mais, ce 14 mars, les céphalées sont si violentes que Carole est incapable de tenir son bébé dans les bras. Admise aux urgences de l’hôpital parisien Bichat, elle est autorisée à sortir dès le lendemain avec une prescription de Bi-Profenid en perfusion, un médicament contre-indiqué en cas d’hémorragie cérébrale. « Ma fille est rentrée chez elle sans qu’aucun neuroradiologue ne prenne la peine de regarder son IRM, seul examen qui peut révéler un risque hémorragique. C’est un délit, s’insurge son père. Ce compte rendu de spécialiste est arrivé quarante-huit heures trop tard. Entre-temps, le médecin qui suit ma fille à Bichat l’a renvoyée chez elle avec un médicament dangereux dans les veines. »
Deux jours plus tard, Carole est effectivement rappelée dès le matin et doit revenir vite à l’hôpital, mais aucune procédure d’urgence n’est diligentée. A 16 heures, la jeune maman est foudroyée par une hémorragie cérébrale dans le service des urgences où elle attend depuis plus de quatre heures. Elle sombre dans un coma dont elle ne se réveillera jamais. « Au lieu de s’occuper de Carole, les médecins l’ont privée d’une prise en charge précoce qui lui aurait sauvé la vie ! »
« L’omerta hospitalière existe jusque devant la justice »
Chirurgien-dentiste, fils de médecin, Bernard Elhaik a décortiqué d’un œil expert le dossier médical de Carole. « Au début, pour comprendre comment une jeune femme en bonne santé avait pu être ravagée par un tel AVC. Et puis, Carole a une sœur jumelle, Sandie. Je voulais m’assurer que cela ne puisse pas se reproduire. » Il réalise que la fatalité n’a rien à voir dans le drame. « J’ai découvert que ma fille avait été sacrifiée. L’hôpital couvre son personnel, notamment ceux qui ont pratiqué et supervisé l’IRM. Officiellement, je ne connais pas leur nom, seulement des initiales. Mais j’ai téléphoné à la neuroradiologue en l’avertissant que j’allais intenter un procès. Elle m’a laconiquement répondu « Bon courage ! » L’omerta hospitalière existe jusque devant la justice. Si les médecins jouissent d’une impunité totale, alors plus personne n’est en sécurité à l’hôpital. »
Carole est décédée la semaine dernière, après huit ans de coma végétatif, appelé état pauci-relationnel. « Son cortex cérébral, où se situent ses actes volontaires, avait été totalement fusillé dans l’hémorragie. Son âme était partie et son corps était resté, j’aurais préféré qu’il suive. Mais ce n’était pas à moi de décider, conclut son père. Mon gendre est très religieux, il était le tuteur légal de ma fille. Il était difficile d’abandonner l’espoir d’une amélioration. Je n’avais pas mon mot à dire et je ne l’ai jamais voulu. »
« Je pense à ceux qui, comme ma famille, ont été meurtris dans nos hôpitaux »
Grand-père de dix petits-enfants, le patriarche de 69 ans aspire à ce que ses proches soient unis et soudés. « La cohésion de ma famille est primordiale. Même si, pour moi, c’était inhumain de voir ma fille comme ça, c’est aussi parce que Carole était là que j’ai trouvé la force de me battre pour que justice lui soit rendue. » Huit ans après les faits et un appel, la juge pourrait rendre prochainement sa décision. « Alors que ma fille vient de mourir, il se peut qu’on soit à la veille d’un non-lieu général. Les fautes sont tellement énormes que j’ai du mal à croire que tous ces docteurs en médecine surdiplômés soient si incompétents, ironise Bernard. On parle de défaut d’organisation du service pour éviter le pénal. C’est à croire qu’on ne traduit pas des médecins en justice. Je pense souvent à ceux qui, comme ma famille, ont été meurtris dans nos hôpitaux et qui ont dû abandonner le combat. Pour ma fille, pour ma famille, je ne lâcherai jamais. »