Difficile de ne pas voir en Jack Lang un ministre de la Culture à vie, tant ses réalisations, près de trente ans plus tard, sont encore « là »… Malgré les coups durs, les coups bas, les coups en dessous, son enthousiasme est intact. La preuve !
Closer : Président de l’Institut du monde arabe (IMA), vous étiez, début décembre, à la conférence internationale d’Abou Dhabi qui œuvre pour éviter le pillage des merveilles architecturales par les fanatiques…
Jack Lang : J’ai en effet organisé cette conférence à la demande du président de la République, sur le patrimoine en danger dans les pays en conflit : Syrie, Irak, etc. François Hollande et le prince héritier des Emirats arabes unis ont pris cette initiative très à cœur.
Quelles solutions concrètes envisagez-vous ?
Il faut montrer que les meurtriers obscurantistes ne peuvent pas durablement imposer leur loi. La première réponse est d’éradiquer Daech. François Hollande est extrêmement engagé dans ce combat. Nous avons aussi créé un fonds financier mondial inspiré de celui contre le sida.
A propos de François Hollande, vous souvenez-vous de votre réaction à la révélation de sa liaison avec Julie Gayet ?
François Hollande est un homme libre. Je n’ai pas d’appréciation à porter. Je ne me suis jamais mêlé de la vie personnelle de quiconque. C’est tellement vrai que j’ai appris en même temps que tout le monde l’existence de Mazarine et de sa mère, Anne Pingeot, dans la vie de François Mitterrand. La seule chose que je peux dire, c’est que Julie Gayet est une personne que j’apprécie énormément : une grande actrice et une productrice très audacieuse. C’est une femme humaine, chaleureuse.
De l’ère Mitterrand, il reste les grands chantiers (pyramide du Louvre, colonnes de Buren, arche de la Défense), la Fête de la musique, la Journée du cinéma, celle du patrimoine. Tout ça, c’est vous…
Pendant au moins dix ans, il m’a donné la chance de changer profondément le paysage culturel français. Je mentirais en disant que je n’en suis pas heureux… Ce que nous avons construit avec lui est là, et pas seulement à Paris.
Vous insistez sur le fait qu’avec Monique, votre épouse, vous formez une équipe. Saviez-vous avant de la rencontrer qu’un couple ce n’est pas seulement être côte à côte, mais aussi former une équipe ?
Pas vraiment. A 17-18 ans, j’étais assez individualiste, solitaire et un peu sauvage. Je le suis resté, d’ailleurs. Mais c’est vrai que Monique et moi sommes unis par une complicité forte et un amour profond. Oui, nous formons une équipe pour la vie.
Comment avez-vous fait face tous les deux à la disparition de votre fille, Valérie, décédée d’une tumeur au cerveau, en 2013, à 47 ans ?
Nous avons partagé avec notre autre fille, Caroline, et quelques amis très proches, une douleur extrême. Ce furent quatre mois de souffrance, en premier lieu pour Valérie qui était visionnaire sur tout, même sur sa maladie. Elle avait compris.
Comment trouve-t-on des ressources pour accepter l’inacceptable ?
On a imaginé l’impossible. Je me suis dit que, peut-être, avec l’aide des médecins, nous pourrions réussir à prolonger sa vie assez durablement pour qu’un jour une nouvelle médication puisse la guérir.
Est-ce la pire période de votre vie ?
La pire. Valérie était l’amour même, l’intelligence, la beauté. C’était un trésor. Une excellente comédienne aussi. Elle était très lucide : elle savait exactement ce qu’on ressentait. Nous avions quelquefois des discussions mouvementées, elle avait un tempérament de feu. Elle nous a été arrachée. Elle nous manque chaque jour.
Lisez-vous la presse people ?
Pas vraiment. Il arrive que je tombe sur un magazine laissé sur le siège d’un train, chez le médecin. Je ne suis ni pour ni contre. Ce que je n’admets pas, c’est la calomnie, je l’ai toujours combattue. Elle peut venir d’ailleurs de journaux dits sérieux. La meilleure réponse, c’est l’indifférence… quand on réussit à se claquemurer.
Vous y êtes arrivé ?
C’est très difficile. Quand je sais qu’un article est néfaste, je prends le parti de ne pas le lire, j’attends quelques semaines, je le découvre plus tard. Et je m’aperçois que peu de gens s’y sont intéressés. François Mitterrand disait : « J’ai une immense capacité d’indifférence. » Quand je le compare à François Hollande, leur point commun est cette aptitude à endurer face à des attaques véhémentes.
Laurent Gerra vous caricature comme celui qui veut absolument revenir au gouvernement, en particulier au ministère de la Culture. Y a-t-il une part de vrai ?
Une caricature comporte nécessairement une part de vrai, sinon elle ne porterait pas. Laurent Gerra est un type extrêmement doué. Je vais à tous ses spectacles, je l’écoute sur RTL. C’est parfois d’une drôlerie irrésistible. Etre une cible contribue à vous réveiller, vous stimuler.
Avez-vous réellement quémandé un poste ?
Jamais. A la Culture, de toute façon, pas question ! La vérité est que, si François Hollande m’avait demandé de prendre à nouveau la tête de l’Education nationale, j’aurais accepté.
L’IMA présente, jusqu’au 26 février 2017, « Les Aventuriers des mers », une exposition qui vous tient à cœur…
Elle démontre que les peuples arabes ne sont pas seulement des peuples du désert. A une époque fort lointaine, ils étaient devenus les maîtres de l’océan Indien et de la Méditerranée. Des personnages comme Sindbad ou Ibn Battûta seront une révélation pour le visiteur.