VIDEO. Rescapée du salafisme, Henda Ayari se dévoile et raconte à Closer son endoctrinement et sa résurrection.
Je m’appelle Henda Ayari . A 21 ans et me voilà mariée dans la précipitation à un homme menteur et qui - je l’ai appris trop tard - vivait des aides sociales et logeait encore chez ses parents ! Quelle réussite ! Quel magnifique départ pour une vie de couple ! Pour m’épouser avec le consentement de ma famille, Bachir s’était inventé une vie respectueuse, un boulot d’informaticien, un appartement en travaux. Seul point où il n’avait pas menti : il menait une vie pieuse selon les préceptes salafistes, ce qui ne l’avait pas empêché de me duper.
J’en voulais à mon mari, bien sûr, mais aussi à sa mère. Sa mère, complice et avait couvert son mensonge de vie parfaite devant ma famille. Et me voilà enceinte quelques semaines à peine après mes noces ! Nous allions être parents. Je ne pouvais plus le quitter. Mon destin était scellé. Mes parents avaient divorcé lorsque j’avais 2 ans, je voulais tout mettre en œuvre pour réussir ma vie de famille. J’ai trouvé un deux-pièces à louer sur un site d’annonces entre particuliers. Malgré nos faibles ressources, mon ventre arrondi et ma détermination ont convaincu le propriétaire.
Je ne pensais qu’en termes halal / haram
Bachir, en futur père salafiste, avait une vision très stricte de la répartition des rôles dans le foyer. Pour me convaincre, chaque jour, Bachir me faisait un lavage de cerveau pour me prouver que le salafisme était mon unique voie vers le salut. Et, pour une femme salafiste, le salut vient de son époux. Il fallait que je sois totalement soumise à lui, qui détenait les clés du paradis pour moi. Je suivais tous les préceptes à la lettre. Je ne pensais plus qu’en termes halal, haram (licite et illicite, pour les musulmans, c’est-à-dire autorisé, interdit par Dieu). « Ainsi, Satan ne m’aura pas », me disais-je.
Une vraie musulmane ne met pas de pantalon, même chez elle
Selon Bachir, la société française était notre ennemie. Les Français ne nous aimaient pas. Il ne servait à rien de faire des efforts pour être accepté en France. « C’était à nous, disait-il, de nous imposer, notamment à travers notre style vestimentaire. » Un matin, Bachir a jeté à la poubelle tous mes anciens vêtements. Selon lui, les Français devaient s’habituer à voir des femmes porter le jilbab et le voile intégral. « Toi, tu dois ressembler aux femmes du Prophète, m’asséna-t-il. Une vraie musulmane ne met pas de jupe à mi-mollets, ni de pantalon, même chez elle. » Très vite, cet aspect du salafisme est devenu une obsession. Plus j’étais couverte, plus je me sentais pieuse et digne du paradis.
La femme ne doit pas provoquer l’homme par sa présence tentatrice
Petit à petit, mes libertés se rétrécirent jusqu’à devenir peau de chagrin. Interdiction de sortir en dehors du trajet maison-école des enfants ou pour aller chez ma belle-famille. Nous faisions les courses au supermarché ensemble. Bientôt, il refusa aussi que je me rende à la mosquée. Pourtant, j’aimais aller écouter les prêches et puis ça me procurait un semblant de vie sociale.
Je pouvais y rencontrer d’autres sœurs et, qui sait, peut-être me faire des amies. Bachir ne l’entendait pas ainsi. Les salafistes affirment que la prière de la femme est meilleure si elle la pratique chez elle. Ainsi, elle lui rapporte plus de hassanates, des points pour le paradis. « Une vraie musulmane ne prie pas à la mosquée. A la mosquée, il y a des hommes, justifiait Bachir, la femme doit de façon générale leur éviter les mauvaises pensées, encore plus lors de la prière. Pour ne pas tenter les hommes, tu pries à la maison. » Son explication : les hommes étant incapables de contrôler leurs pulsions, la femme doit leur faciliter la vie. Elle ne doit pas les provoquer par sa simple présence tentatrice. Il faut donc la voiler, car son corps, son visage et tout ce qu’elle dégage sont tentation et impureté. Il faut rendre invisible la femme tentatrice. J’ai compris plus tard que c’était surtout une manière de déresponsabiliser les hommes.
Au fil des années, je suis devenue une prisonnière volontaire. Je ne sortais pas, je n’avais pas d’amies, je n’avais pas de compte bancaire. Je n’avais aucune place hormis dans mon foyer. Ma vie était monotone, mais j’avais mes enfants, trois sont nés de cette union. Comme je l’écris dans mon livre « J’ai choisi d’être libre » paru aux éditions Flammarion, je ne réalisais pas encore que je détenais la clé de ma prison.
Seul le père de mon mari osait lui tenir tête
Seul le père de Bachir osait lui tenir tête. Tunisien, il avait travaillé toute sa vie en France pour élever ses enfants. Bachir et lui s’affrontaient souvent et très violemment. Mon beau-père reprochait à son fils de ne pas avoir de travail fixe, et il ne supportait pas ses convictions religieuses. Souvent, je l’entendais crier sur Bachir : « Mais à quoi tu ressembles !, lui disait mon beau-père. Y a que les Saoudiens, ces fils de chien, qui portent une barbe pareille ! C’est écrit où, dans le Coran ? Tu ne connais rien à la religion ! Tu me fais honte ! Va travailler, au lieu de traîner avec les barbus. » Puis, son père a décidé de divorcer et de retourner vivre en Tunisie. Autant les relations étaient houleuses avec son fils, autant il s’était toujours montré gentil envers moi. « Mon fils ne te mérite pas Henda, m’a-t-il confié le soir où je l’ai hébergé avant son départ. Il ne te rendra jamais heureuse. Essaye de t’en sortir, de trouver un travail. Tu es intelligente, tu peux y arriver. »
« Henda, je te répudie !
«
Une fois mon beau-père parti, Bachir, furieux, s’en est pris à moi. « Mon père crache sur les salafistes et, toi, tu l’héberges ! » Il me cognait tout en insultant son père, comme s’il le frappait à travers moi. La rage décuplait ses forces. Puis, il me laissa à demi assommée sur le carrelage de la salle de bains. Sur le pas de la porte, un sac de voyage sous le bras et toutes nos économies dans la poche, Bachir m’a crié : « Je vais vivre chez ma mère ! A partir de maintenant, je ne veux plus de toi ! Je te répudie ! » à suivre …