En mars 2013, Marie-Paule meurt d’une rupture d’anévrisme, à Perpignan. Bipolaire, elle n’aurait pas été correctement soignée à l’hôpital. Une discrimination intolérable pour sa famille, qui a décidé de rendre justice à leur mère en attaquant l’hôpital.
La médecine traite-t-elle de manière égale les malades selon qu’ils sont ou non atteints de troubles psychiatriques ? C’est la question terrible soulevée par l’histoire de Marie-Paule, décédée d’une rupture d’anévrisme, au terme d’une semaine de souffrances, en 2013. Un drame qui, pour Pauline, sa fille, se double d’un réel sentiment d’injustice : « Le 5 mars 2013, ma mère a été prise de violents maux de tête et de vomissements. Après une perte de connaissance, elle a été conduite par les pompiers aux urgences de Perpignan. Aussitôt, elle a indiqué qu’elle était bipolaire pour qu’on lui fasse suivre son traitement. Je pense que cette simple phrase a tout fait basculer. Dès lors, les médecins ne l’ont plus prise au sérieux. Leur diagnostic a été biaisé. On l’a étiquetée «folle» ». Ressortie des urgences avec un simple traitement pour infection urinaire, Marie-Paule continue de souffrir.
« Ils avaient face à eux une bipolaire, donc à une folle »
Elle a mal à la tête et peine à marcher. Ses enfants, Jordi, Galdric et Pauline, sont inquiets : « Elle était très fatiguée, avait mal au visage, à la nuque. Son médecin traitant, consulté deux jours plus tard, nous a parlé d’arthrose au cou. » Mais, le 8 mars, l’état de Marie-Paule s’aggrave encore : « Nous l’avons trouvée inerte, incapable de parler. Elle ne pouvait plus bouger ses pieds. Nous l’avons aussitôt ramenée aux urgences. Ses symptômes évoquaient pour nous un AVC. Nous l’avons signalé mais, pour les médecins, elle faisait une rechute de son trouble bipolaire. Leur diagnostic était posé, pourtant, le neurologue n’était même pas venu la voir. Comme si d’emblée tout était clair : ils avaient face à eux une bipolaire, donc à une folle, à quoi bon prêter attention à ses maux et lui faire passer des examens qu’ils auraient prescrits à une personne «normale». »
« Depuis deux ans, son comportement était stabilisé. Elle acceptait sa maladie et se soignait »
La bipolarité de Marie-Paule, ses enfants en ont longtemps souffert. Mais, en mars 2013, alors que ce grave accident de santé arrive, son trouble est traité depuis deux ans : « Nous avons mis du temps à comprendre sa pathologie. Ça se traduisait par des comportements étranges, une agitation. Le sentiment d’être mise sur écoute ou persécutée. C’était pour elle une grande souffrance. Mais, depuis deux ans, son comportement était stabilisé. Elle acceptait sa maladie et se soignait. » Cependant, pour les médecins, les choses sont claires, Marie-Paule doit être internée : « Quand maman a été conduite en hôpital psychiatrique, elle avait 18,9 de tension et les pupilles dilatées. Elle ne pouvait plus marcher. Cette demande d’internement nous plaçait dans une situation difficile. Nous étions dans le doute, mais nous avons fait confiance aux médecins. Finalement, leur motif d’hospitalisation a été le suivant : pertes d’équilibre et bizarreries. Un diagnostic qui me semble dramatiquement peu professionnel. »
« Il y a eu erreur dans la prise en charge médicale »
Arrivée en psychiatrie, Marie-Paule ne se sent évidemment pas mieux. Son bras droit est ballant et elle n’est plus en mesure de communiquer. Son état ne cesse de s’aggraver. L’équipe médicale s’alerte. Retour aux urgences où elle passe, enfin, un scanner. Là, le verdict tombe : rupture totale d’anévrisme. « Maman est partie en hélicoptère se faire opérer, mais il était trop tard. Après une semaine de coma, elle était déclarée en mort cérébrale à 48 ans. Nous avons dû prendre la décision de la débrancher. Il y a la douleur de la perte, mais aussi la révolte. Les médecins n’ont pas pris son cas au sérieux. Elle a été cataloguée bipolaire, et dès lors n’a pas été soignée correctement. Défendus par Me Fabien Large, avocat au barreau de Perpignan, nous avons mandaté un expert pour établir qu’il y a eu erreur dans la prise en charge médicale. Nous attendons les conclusions, mais nous sommes déterminés à porter plainte pour discrimination. Je veux que l’hôpital reconnaisse sa faute et que l’on rende justice à ma mère. Le serment d’Hippocrate stipule que le médecin doit assistance à tous les humains. Les malades psychiatriques sont des humains comme les autres. Leurs droits doivent être reconnus. »
Cet article a été publié dans Closer C’est leur histoire n° 19.