Stéphanie adorait l’école… jusqu’à son entrée en sixième, au collège de Sézanne, dans la Marne, où elle devient la tête de Turc d’une poignée d’élèves. Insultes, coups, humiliations : rien ne lui est épargné, dans l’indifférence générale. Un cauchemar qui provoquera chez elle une phobie scolaire suivie d’une tentative de suicide. Pour Closer, la jeune fille a accepté de raconter son calvaire afin de prévenir les dangers du harcèlement scolaire.
« Aujourd’hui, 1er septembre, c’est la rentrée des classes. Je regarde mes deux petites sœurs se préparer pour le grand jour. La plus jeune, Lola, entre au collège, en classe de sixième. C’est une étape importante dans sa scolarité. Pour moi, ç’a été le début du cauchemar. Au moins, Lola fera son entrée dans la cour des grands avec notre sœur, Alexia, qui entame sa dernière année, en troisième. Je me rassure comme je peux. Mes deux sœurs sont scolarisées dans l’établissement où j’ai été harcelée, raillée, insultée, tapée et dénigrée pendant quatre ans. En cas de souci, mes sœurs connaissent mon parcours et savent que je suis aussi à leur écoute. Je ressens tout de même un petit pincement au cœur quand elles montent dans le bus du ramassage scolaire pour se rendre au collège de Sézanne, situé à 15 km de chez nous. Je me souviens que je pleurais pendant le trajet en bus, appréhendant la journée qui m’attendait. Je me sentais seule, nulle et triste.
Jusqu’en primaire, j’avais toujours adoré à l’école, une seconde famille
Aucun élève ne devrait subir le calvaire que j’ai vécu. J’aimerais qu’aucun jeune n’ait à retenir ses larmes en allant à l’école. Qu’aucun d’entre eux ne se dise qu’il vaut mieux en finir avec la vie plutôt que d’endurer une nouvelle journée de brimades. Ma rentrée en sixième est restée gravée dans ma mémoire. C’était en 2009. Jusqu’alors, j’avais toujours adoré aller à l’école. C’était comme une seconde famille pour moi. Un lieu de bonheur, de savoir et parfois un refuge, aussi, à l’époque où la séparation de mes parents me rendait triste. J’étais toujours impatiente que les vacances se terminent pour reprendre le chemin de l’école. Mon excitation est retombée le jour de la visite du collège. Ma première réaction a été de me dire : « C’est un vrai labyrinthe, je vais m’y perdre. » Le jour de la rentrée, je me suis levée à 6 heures de peur de rater le bus. L’anxiété m’avait empêchée de bien dormir. Comme la plupart des élèves, j’ai enfilé une nouvelle tenue et porté un sac plus gros que moi. Ma mère m’a accompagnée à l’arrêt de bus.
En 6e, je me suis retrouvée prise pour cible sans raison
En arrivant à Sézanne, j’ai pris vraiment conscience que ma petite école primaire de village était derrière moi. Par manque de chance, je me suis retrouvée dans une classe où je ne connaissais personne. J’étais séparée de mes copines, je me sentais isolée, et ma grande timidité n’a rien arrangé. Je ne pourrai jamais expliquer pourquoi je suis devenue le souffre-douleur d’une bande d’ados. Je me suis longtemps demandé si le problème ne venait pas de moi. Je n’ai piqué le copain de personne, je n’étais pas la première de la classe, je n’ai pas cherché les ennuis. Ma solitude, ma réserve faisaient de moi une proie facile. Les harceleurs sont des gens lâches. Ils agissent toujours en bande contre leur victime. Je me suis retrouvée prise pour cible sans raison. Et le manque de réaction des adultes a été interprété par mes agresseurs comme une carte blanche. Dans les couloirs, on se moquait de moi, on me poussait dans les escaliers et contre les portes, on me pinçait. En classe, on me lançait des équerres, des règles et des stylos.
Pour mettre fin à mon calvaire, je pensais souvent à en finir
Leur grand jeu était d’exploser des cartouches d’encre sur mes vêtements. Le tout accompagné de mots d’insultes dans lesquels on me traitait de tous les noms. Le cours de sport était une longue séance d’humiliation. Etre harcelée signifie ne plus avoir l’opportunité de vous faire de nouveaux amis et, souvent, les anciens vous évitent. Plus personne ne voulait s’afficher avec moi. Personne ne se risquait à faire équipe avec moi. Le sport était le prétexte être violent avec moi, pour me faire tomber, pour me donner des coups et se moquer de ma maladresse. On me lançait régulièrement des ballons en plein nez. Un jour, je me suis mise à saigner abondamment du nez. Sous les moqueries, en pleurs, je suis allée aux toilettes me nettoyer. La prof, qui n’a jamais eu un mot de sympathie pour moi, a juste demandé de vérifier si « elle n’était pas morte ». Il est vrai que je pensais souvent à en finir. Pour mettre fin à mon calvaire, j’ai alors pensé au suicide… »
On a poignardé ma jeunesse, de Stéphanie Vicente (éd. Edilivre)
À suivre…
Feuilleton 2/2 : Harcelée à l’école, Stéphanie craque et fait une tentative de suicide.