En France, en raison d’une pénurie, près de 18 000 personnes sont en attente d’une greffe. Plus de 90 % d’entre elles proviennent de défunts. Et c’est aux familles de prendre une décision vitale : accepter ou non le don. A Montpellier, Florence, maman d’une donneuse, a accepté de partager l’histoire de sa fille Aurore.
« Médecin de profession, j’avais déjà abordé le sujet du don d’organes avec mes enfants. A l’époque, je pensais surtout à moi. En juillet 2012, Aurore, ma fille cadette de 22 ans, a été victime d’un arrêt cardiaque à l’hôpital où elle était entrée pour un souci de santé. Inconsciente, elle a passé une dizaine de jours en réanimation. Le 15 juillet 2012, j’ai su que c’était la fin. Il n’y avait plus aucune possibilité médicale de la sauver. Tous les signaux de la mort encéphalique n’étant pas encore là, j’ai eu un peu de temps pour réfléchir au don d’organes.
Mais au moment où l’on m’a annoncé que ma fille allait mourir et que je pouvais accepter ou non de donner ses organes, j’étais dans un chaos complet. Je savais ce que ma fille voulait, puisqu’elle avait clairement exprimé son désir de donner ses organes. Mais, malgré tout, la décision reste un moment délicat. C’est pour cela qu’il faut parler du don d’organes à ses proches avant qu’un malheur arrive. La nuit du 15 au 16 juillet, je suis restée à ses côtés pour lui dire au revoir. J’y ai réfléchi toute la nuit et j’ai décidé de dire « oui ». J’ai demandé l’accord de ma fille aînée, Elodie, qui a accepté.
Le don des organes d’Aurore a permis de réaliser au moins cinq greffes
Je voulais qu’un peu de vie sublime cette mort. En disant oui, je savais que quelque chose survivrait après Aurore. En tant que parent, on veut protéger ses enfants et, moi, je n’ai pas pu le faire, j’avais échoué. Le don, c’était comme donner un sens à cette mort injuste. Quand vous dites « oui » pour le don d’organes, vous êtes accompagné pas à pas par la coordination de l’hôpital, une équipe formidable qui a su trouver les mots pour nous apaiser et nous aider à aller jusqu’au bout. Ils ont respecté toutes nos demandes. Moi, je désirais que soient prélevés les organes qui pouvaient sauver le maximum de personnes. Je sais qu’au moins cinq greffes ont été réalisées. Je tenais aussi à ce que, après le prélèvement, le piercing au nombril de ma fille soit bien remis en place. A l’époque, Aurore avait fait poser ce piercing contre mon avis. C’était une manière pour elle d’affirmer sa personnalité.
« Aurore n’est pas morte pour rien »
Tout a été fait dans le plus grand respect. J’ai été tenue informée à chaque étape. Ainsi, j’ai su un mois plus tard que toutes les greffes réalisées avec les organes de ma fille avaient marché. C’était important pour moi de le savoir. C’est comme si ma fille était encore un peu là. Aurore n’est pas morte pour rien : une part d’elle permet à d’autres personnes de vivre. Ça donne quelque chose de beau à une mort. Je ne serai jamais plus la même maman : il y a toujours le manque de ma fille. Mais j’y arrive, parce que j’ai ce sentiment d’avoir fait quelque chose de bien qui correspondait à ce qu’aurait voulu Aurore, une jeune femme généreuse. Quelques jours plus tard, en rangeant son sac à main, j’ai trouvé sa carte de donneur. Je n’ai jamais regretté mon choix, et je milite pour le don d’organes*. J’ai trouvé une paix intérieure que je n’aurais peut-être pas si nous n’avions pas accepté. Je me dis que nous avons mis du bonheur dans notre malheur. Ça peut paraître bizarre mais, quelque part, ça me rend heureuse. »
Association française des familles pour le don d’organes (AFFDO). Retrouvez plus d’informations sur affdo.fr
Cet article est extrait du Closer, C’est leur histoire n°19