Sophie, 40 ans, est atteinte d’une maladie génétique dont sa mère et sa sœur souffrent aussi : la surdité. Au fil des années, son audition a diminué pour s’éteindre définitivement. Grâce à un implant cochléaire dans l’oreille interne, elle a pu entendre son mari lui dire qu’il l’aimait…
« Mes mains tremblent. Je m’apprête à appeler mon mari au téléphone. Je sors de l’hôpital et… j’entends ! » Sophie, jolie blonde de 40 ans, en a encore les larmes aux yeux quand elle raconte avoir entendu la voix de son époux après tant d’années d’isolation sonore. « Je riais, lui aussi, il m’a dit « Je t’aime », et c’était le plus beau moment de ma vie. » Jusqu’alors, le couple communiquait en langage des signes. Les mots d’amour passaient par les mains, jusqu’à ce matin d’automne 2013, où Sophie est « revenue à la vie », comme elle le dit.
Tu ne peux pas te rendre à un rendez-vous galant quand tu n’entends rien ! »
Sophie n’est pas sourde de naissance. Ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle perd peu à peu son acuité auditive. Sa famille souffre de ce mal depuis des générations. Mais la jeune femme, qui se destine à une carrière de journaliste et d’écrivain, préfère ignorer la maladie. « A l’âge de 20 ans, j’étais dans le déni le plus total. J’étais diplômée, j’avais beaucoup d’amis, des petits copains… Bref, je croquais la vie à pleines dents ! » Les tests auditifs tirent pourtant le signal d’alarme. Sophie est en train de devenir sourde, de manière irréversible. Mais elle refuse toute aide, pensant alors qu’en se concentrant ou en demandant aux gens de parler plus fort, elle s’en sortirait. « Quand je ne comprenais rien à une discussion, je changeais de sujet, l’air de rien », avoue-t-elle. Quand son audition disparaît presque entièrement, tout se complique alors : « Je bricolais des magnétophones pour mes interviews et réécoutais ça le plus fort possible, le soir, pour écrire mes reportages. Quant aux histoires d’amour, c’était l’horreur. Tu ne peux pas te rendre à un rendez-vous galant quand tu n’entends rien ! » C’est en 2000 que la jeune femme rencontre Tom, son futur époux. Pour elle, il apprend le langage des signes. Le couple se marie, mais renonce à avoir des enfants : « Je savais qu’il y avait 50% de chances pour qu’ils héritent de mon gène défaillant ».
« Le miracle, enfin ! »
La journaliste accepte enfin une prothèse auditive, mais s’épuise vite à essayer de saisir le moindre son ou la moindre parole. En 2008, son état s’aggrave. « Je n’entendais plus que de lointains bruits étouffés, comme si j’étais sous l’eau en permanence. En revanche, dans ma tête, c’était sans arrêt la cacophonie : des petits tintements, des petits bruissements, comme si mon cerveau créait lui-même son propre univers sonore. C’est une aberration de penser qu’une personne sourde vit dans un silence absolu ! » En 2011, pour la première fois, son médecin lui explique qu’elle est éligible à l’implant cochléaire : des électrodes fixées dans l’oreille interne et reliés au cerveau qui lui permettrait d’entendre de nouveau. Mais le risque est grand : « Cela pouvait fonctionner comme m’ôter définitivement toute possibilité de capter des sons extérieurs, aussi lointains fussent-ils. J’ai estimé que cela valait le coup d’essayer. » Il faut attendre encore deux ans pour que Sophie bénéficie enfin de l’appareil : « En juillet 2013, j’ai subi l’opération de ma vie en quelque sorte. Je devais patienter trente jours avant que le médecin ne mette l’appareil en route. »
Un matin de septembre, le miracle, enfin !
« Le docteur a branché l’appareil. J’ai d’abord entendu des bips, des grincements, comme quand on cherche une fréquence sur la radio, et soudain… ma voix ! J’étais capable de m’entendre parler ! Dès que je suis sortie, j’ai téléphoné à Tom. » Désormais, la vie de Sophie ne sera plus jamais la même. La quadragénaire peut écouter de la musique, elle s’émerveille d’une sonnette qui tinte, des bruits de pas dans la rue et même de pouvoir entendre quelqu’un qui parle en lui tournant le dos ! Pour autant, Sophie l’admet, la nuit, elle éteint son appareil : « Mon cerveau a arrêté de produire toute sorte de sons. Je suis plongée dans un silence absolu. Et ça, c’est une nouvelle expérience tellement reposante. » Puis, elle ajoute, émue : « Quand j’étais sourde, je faisais souvent des rêves où je pouvais entendre. Maintenant, si j’ai un rêve ce soir, je vais me réveiller demain sachant qu’il est devenu réalité. »
Quelques chiffres clés
Un implant cochléaire permet de récupérer 80 % de l’audition dans les meilleurs cas.
219 000 personnes dans le monde ont reçu des implants cochléaires, en 2010, dans le monde.
45 000 € : c’est le coût global estimé, en France, de l’implant cochléaire. Ces frais sont pris en charge par la Sécurité sociale.