C’est une maman à bout qui, depuis neuf ans, attend de connaître le nom de l’assassin de Gaëlle, sa fille sauvagement assassinée. Un homme a été mis en examen, mais l’affaire risque le non-lieu. Pour le faire réagir, elle lui a écrit sur Facebook…
Ce 27 avril 2007, aux alentours de 19 heures, Sylvie et Jean-Paul sont inquiets. Voilà plus d’une heure que Gaëlle, leur fille unique, devait les rejoindre chez eux, à Orbec (Calvados). Gaëlle, 21 ans, étudiante en ressources humaines, est une jeune fille épanouie, en couple avec Steven depuis trois ans. « Nous avions une relation très fusionnelle avec notre fille. Elle nous appelait chaque jour », explique Sylvie. Mais, ce jour-là, la jeune femme n’est pas à l’heure et ne répond pas à son téléphone. Vers 22 heures, toujours sans nouvelles, Jean-Paul se rend chez sa fille, en espérant qu’il ne lui soit rien arrivé de grave. Sur place, tout a l’air normal. La voiture de Gaëlle se trouve garée à son emplacement habituel et la lumière du salon est allumée.
Relâché sous contrôle judiciaire
Grâce à son double des clés, Jean-Paul entre dans l’appartement. D’abord dans la chambre. La télévision est allumée et le lit, défait. Puis il entend Rambo, le rottweiler de sa fille, enfermé dans le cagibi. Enfin, il pénètre dans le salon et découvre une scène d’horreur : Gaëlle est allongée par terre, à demi nue, le corps lardé de 66 coups de couteau. « Je n’ai pas compris tout de suite le drame qui s’était joué quelques heures auparavant : ma vision s’est posée sur ma petite princesse et a occulté l’horreur présente autour d’elle », décrit-il.
Débute alors une délicate enquête pour trouver le responsable de cet atroce meurtre. Plus de 600 personnes sont entendues, et les analyses de la scène de crime permettent d’identifier trois ADN différents : celui de Gaëlle, celui de Steven (en déplacement professionnel à 700 km le jour des faits) et celui d’un voisin de 22 ans, Grégory, déjà condamné pour agression sexuelle sur une mineure de 16 ans. Six mois plus tard, il est donc interpellé et placé en garde à vue. « Il a dit ne pas connaître ma fille, alors qu’il venait régulièrement jouer à la console vidéo avec Steven et qu’il avait été en classe avec Gaëlle de la maternelle au lycée. Et puis une voisine dit l’avoir vu, ce soir-là, passer devant son domicile à trois reprises. De toute façon, Gaëlle n’aurait jamais ouvert à quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, et son chien ne se serait pas laissé enfermer par une personne inconnue », assure Sylvie. Mis en examen pour assassinat, Grégory est incarcéré en octobre 2007. Mais, après dix-neuf mois de détention préventive, coup de théâtre ! Il est relâché sous contrôle judiciaire. « Ç’a été un vrai choc ! Mon mari était fou de colère. » Depuis la possibilité d’un non-lieu hante les nuits de Sylvie et Jean-Paul. En effet, contre Grégory, la justice ne dispose que d’un faisceau de présomptions, car son ADN retrouvé dans le salon du couple ne prouve pas qu’il a commis le meurtre.
Son message à l’assassin de sa fille
Le 1er mai 2016, quelques jours après le neuvième anniversaire de la mort de Gaëlle, Sylvie s’est adressée au meurtrier de sa fille sur Facebook :
« Lettre à un assassin,
Il y a longtemps que je voulais vous écrire, car je pense très souvent à vous, nous nous connaissons si peu et pourtant vous faites partie de ma vie, vous êtes dans toutes mes pensées. Souvent j’ai envie de vous tuer, mais pour quelques instants seulement, je ne voudrais pour rien au monde être comme vous, même si je débarrassais la société d’un assassin. […] Pensez-vous chaque jour à Gaëlle ? Revoyez-vous ce que vous lui avez fait subir, la violence, les coups ? Faites-vous des cauchemars comme mon mari qui crie dans son sommeil ? Avez-vous des crises d’angoisse comme mon fils ? Avez-vous des remords ? […] Ce qui me console, un petit peu, c’est que vous serez, jusqu’à la fin de votre vie, fin que j’espère précoce, un assassin, un lâche, vous faites de vos enfants, des enfants d’assassin et ça aussi jusqu’à la fin de leurs vies, vous subirez, le doute, la suspicion de votre famille, de votre entourage, mais cela ne vous fait peut-être rien de vivre comme ça.[…]
La maman de Gaëlle. »
Un cri du cœur qui, Sylvie l’espère, déliera les langues de ceux qui savent et incitera ceux qui auraient des informations à témoigner.