Victime d’un grave accident de voiture, Laurana, 24 ans, s’est réveillée paraplégique. La jeune femme qui se destinait à une carrière de mannequin a refusé de laisser ses rêves derrière elle.
Un an après mon accident de voiture, il m’arrive souvent de ne pas trop savoir comment reprendre ma vie en main. Heureusement, une proposition inattendue va me donner le coup de fouet dont j’avais besoin pour retisser le fil de mes rêves. Lors d’une virée shopping avec mes copines Julie et Mélissa, nous tombons nez à nez avec Christophe Espinasse, le présentateur de l’élection de la Reine du Muguet à Compiègne. J’avais participé à l’élection en 2013 et on ne s’était pas revus depuis mon accident. Christophe ignore tout de mon accident. « Alors Laura, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu t’es fait une fracture à la jambe ? Et puis, je t’attendais à l’élection l’an dernier. Tu m’avais dit que tu t’inscrirais à nouveau. » Il est ému aux larmes quand je lui annonce le drame que j’ai traversé ces derniers mois : « Tu ne m’as pas vue me présenter, car j’ai eu un accident de voiture et j’étais entre la vie et la mort… Mais tu vois, la vie continue ! »
« Etre en fauteuil ne t’empêche pas de concourir pour être Miss »
Abasourdi, Christophe me lance avec candeur : « Tu es toujours aussi jolie ! Pourquoi tu ne t’inscrirais pas cette année ? » Etonnée, je lui montre mon fauteuil. « Ça va être compliqué. il faut faire 1,65 m pour le concours. Comme tu peux le constater, à présent, en fauteuil, je ne fais plus que 1,20 m ! » Mais Christophe rétorque : « Rien ne t’empêche de concourir en fauteuil, et puis tu mesures toujours 1,70 m ! » Il me fait promettre de réfléchir. De son côté, il vérifie le règlement et me propose d’être mon parrain. L’idée germe doucement en moi. Mes proches et mes amis me soutiennent. L’année 2013, où j’ai participé au concours sur mes jambes pour le fun, me paraît bien loin. C’était une autre vie, une autre candidate. Là, en 2015, je me dis que l’enjeu n’est plus de gagner, mais que ma participation soit un vrai signe d’espoir. Je veux montrer que, même en fauteuil, paraplégique, on peut poursuivre sa vie, continuer à faire des choses qu’on faisait quand on était valide. Même avec un handicap, il faut oser réaliser ses rêves.
Je postule en fauteuil à une concours de beauté pour valide
C’est donc décidé : je postule à l’élection de la reine du Muguet qui a consacré Elodie Gossuin, notre Miss France et Miss Europe 2001. Ma candidature est insolite : pour la première fois en France, une candidate en fauteuil se présente à un concours de beauté pour valides. Subitement, les médias s’intéressent à mon parcours et mon exposition fait grincer des dents. Honnêtement, je ne m’attendais pas à autant de polémiques. Sous couvert d’anonymat, les critiques se déchaînent sur les réseaux sociaux. Des personnes disent que je n’y ai pas ma place, qu’une personne en fauteuil ne devrait pas participer à un concours de beauté. Parfois, ça me donne envie d’abandonner mais, par ailleurs, des personnes bienveillantes me laissent aussi des messages d’encouragement. Alors je décide d’aller au bout. Je ne veux pas faire de ma différence un joker pour être élue, je ne veux pas particulièrement être la porte-parole des handicapés. Mais je veux porter l’espoir pour toutes les personnes qui, pour une raison ou une autre, se sentent amoindries. Je le dis au jury lors de la présélection : je me suis présentée il y a deux ans dans d’autres conditions. Cette année, si je me représente, c’est surtout pour montrer que, quoi qu’il nous arrive, il ne faut pas abandonner ses projets. Je veux transmettre un message d’espoir… Et je suis sélectionnée.
« Que je sois élue ou non, ma victoire c’est d’être devant vous ce soir ! »
Le grand jour de l’élection approche. Il est temps de trouver ma robe pour la cérémonie. Inséparables, ma sœur Cindy et moi arpentons les boutiques à Paris pour trouver la perle rare. Ce sera une robe de sirène bleue, élégante et confortable pour ne pas me blesser. Fini les corsets douloureux. Lors de la soirée d’élection, ma sœur Cindy est dans les loges et ne me quitte pas d’un pouce. Heureusement, car je me serais sentie bien seule. Les candidates sont concentrées, limite hermétiques et, de mon côté, le stress monte d’un cran. Je redoute par-dessus tout deux choses : me faire siffler par le public et que les roues de mon fauteuil se prennent dans ma robe. En coulisses, je regarde les candidates sculpturales défiler, perchées sur leurs talons. Et je me sens toute petite clouée dans mon fauteuil. Deux minutes avant de monter sur scène, habillée et maquillée, après des heures de répétition, je suis prise de panique. Je veux tout abandonner et déclarer forfait… Et puis, je pense à tous ceux qui me font confiance ce soir. Mes proches, mes amis valides ou non, et surtout mes parents et mon frère qui trépignent dans le public. Tous comptent sur moi. J’entre sur scène, sous les feux des projecteurs, je donne le meilleur de moi. Je défile en fauteuil, tout sourires, et je réponds aux questions devant un public attentif. « En fait, je me suis présentée il y a deux ans en tant que personne valide. Aujourd’hui, je me présente en tant que personne à mobilité réduite pour montrer qu’il n’y a pas de différence… Dans la devise de la France, il y a le mot « égalité » et je voudrais montrer que, dans la ville de Compiègne, ce mot est présent : il existe. Que je sois élue ou non, ma victoire est là : c’est d’être devant vous ce soir. Comme l’a si bien dit Winston Churchill : « Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte. » Et moi, mon courage, ce sont toutes les personnes qui me soutiennent. » Mon discours est accueilli par une ovation. Je retourne en coulisses, sereine, apaisée. Ma victoire, c’est de m’être faite entendre. Je n’ai pas gagné, et tant mieux. Cette soirée est loin d’être un échec : elle a marqué le début d’une nouvelle vie, remplie d’espoir. »